La garantie pertes d’exploitation peut couvrir un dommage immatériel

4 février 2022

10 min

L’extension de garantie pertes d’exploitation est autonome et permet une indemnisation indépendamment de l’existence d’un dommage matériel (T.com Paris, 30 sept. 2021).

Si l’actualité du droit des assurances semble tournée vers les « loyers covid » et l’expiration de la prescription biennale pour la prise en charge des pertes d’exploitation, ce jugement du tribunal de commerce de Paris apporte un éclairage notable s’agissant du champ d’application de la clause d’extension de garantie pertes d’exploitation. En effet, le tribunal a estimé que celle-ci peut être mise en œuvre de façon autonome afin de prendre en charge les pertes d’exploitation occasionnées par les mesures gouvernementales pour lutter contre le covid-19, et ce, hors dommage matériel.  

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« Cette décision importante tend à reconnaître l’autonomie de l’extension de garantie indépendamment des garanties principales de la police. Reste à savoir si cette décision sera suivie par d’autres juridictions ». – Emmanuèle Lutfalla, associée au sein du cabinet Signature Litigation.

 

 

En l’espèce, la société Kookaï et sa filiale espagnole ont signé en 2019 une police d’assurances avec l’assureur Allianz afin de couvrir leurs activités de fabrication et de distribution de vêtements. En raison des mesures sanitaires prises par le gouvernement pour contenir la pandémie, les points de vente de Kookaï ont dû fermer durant plusieurs périodes au cours des années 2020 et 2021.

 

Kookaï a alors effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 22 décembre 2020 concernant les pertes d'exploitation subies en raison de ces diverses mesures de confinement et de couvre-feu. Allianz ayant refusé de prendre en charge ces sinistres, son assuré lui a notifié la résiliation de son contrat en mars 2021 et l’a assigné à bref délai devant le président du tribunal de commerce de Paris pour voir reconnaître ses déclarations de sinistres.

 

LIRE LA DÉCISION >> Tribunal de commerce de Paris, 30 septembre 2021, n°2021021281

 

La garantie pertes d’exploitation : des incertitudes juridiques et un enjeu économique critique

Kookaï a sollicité auprès du président du tribunal de commerce de Paris la reconnaissance de son éligibilité au bénéfice de la garantie « perte d’exploitation » prévue au titre du contrat conclu avec son assureur, estimant que les décrets et/ou arrêtés ministériels et/ou régionaux pris en réaction au covid-19 constituent chacun des dommages matériels affectant les biens assurés en France et en Espagne. Il a alors été demandé au tribunal de condamner l’assureur à indemniser Kookaï à hauteur de plusieurs millions d’euros en réparation de son préjudice de pertes d’exploitation dues à la fermeture de ses points de vente en raison du covid-19.

 

À titre subsidiaire, il a été demandé au tribunal de reconnaître l’éligibilité de l’assuré au bénéfice de l’extension de garantie « impossibilité d’accès » prévue par le contrat, et le fait que les mesures des autorités en réaction au covid-19 ont constitué une interdiction d’accès empêchant l’accueil de clients au sein de ses établissements, générant ainsi une perte d’exploitation pour l’assuré.

 

La garantie pertes d’exploitation est une assurance, le plus souvent multirisque, permettant à l’assuré de rétablir ses résultats financiers lorsque le sinistre garanti se produit, interrompt ou réduit son activité et entraîne une perte d'exploitation. La garantie est donc destinée à compenser les pertes liées à une baisse ou une absence du chiffre d'affaires en couvrant notamment les frais généraux (loyers, impôts, salaires, etc.). Des garanties complémentaires peuvent également être prévues, notamment pour couvrir les pénalités de retard subies par l’assuré. 

 

Cependant, cette garantie n’a, en principe, vocation à jouer que lorsque la suspension ou l’arrêt de l’activité est consécutif à la réalisation d’un dommage matériel indemnisable. Toute la question est donc de déterminer si le covid-19 et les mesures administratives à vocation sanitaire peuvent être considérées comme des dommages couverts par la police d’assurance.

 

La rédaction des polices d’assurance, concernant l’étendue de la couverture ainsi que les clauses d’exclusion, détermine la mise en œuvre ou non de la garantie pertes d’exploitation, de sorte que tous les débats juridiques se sont concentrés sur l’interprétation des contrats. 

 

La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion de rappeler qu’une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée (Cass. civ. 1ère, 22 mai 2001, n°99-10.849 Cass. civ. 3ème, 27 oct. 2016, n°15-23.841).

 

Si de nombreux contrats prévoyaient l’indemnisation des pertes d’exploitation dues à une épidémie, ils contenaient néanmoins des clauses d’exclusion dont l’imprécision a pu parfois être sanctionnée (voir par ex. CA Aix-en-Provence, 1ère Chambre, 20 mai 2021, n° 20/10358).

 

Ainsi, plusieurs assureurs ont utilisé des causes d’exclusion afin de refuser d’activer la garantie perte d’exploitation de leurs assurés, notamment au motif que le risque pandémique n’est pas assurable (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022). Toutefois, de nombreuses juridictions ont condamné les compagnies d'assurances à indemniser leurs assurés, principalement des restaurateurs, pour leurs pertes d’exploitation liées au covid (en ce sens, CA Aix-en-Provence, 1ère Chambre, 25 février 2021, n° 20/10357 ; CA Aix-en-Provence, 1ère Chambre, 20 mai 2021, n° 20/10358, 20/12210 et 20/13305 ; T.com. Paris, 22 mai 2020, n°2020017022; T. com. Marseille, 23 juill. 2020, n° 2020R00131 ; T. com. Annecy, 22 déc. 2020 n° 2020R00066). Cependant, d'autres juridictions se sont rangées du côté des assureurs (T.com. Toulouse, 18 août 2020, n° 2020J00294 ; T. com. Lyon, 4 nov. 2020, n° 2020J00525), si bien qu’un flou juridique subsiste encore dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation.

 

On peut noter que dans un avis datant de juin 2020, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a analysé 220 contrats d'assurance perte d'exploitation et a conclu que la mise en œuvre de la garantie perte d'exploitation était exclue pour 93 % des assurés au titre des contrats assurés et que sur les 7 % restants, seulement 3 % pouvaient prétendre à une telle indemnisation. Elle a alors rappelé aux assureurs leur devoir d’informations claires, précises et circonstanciées à leurs assurés, afin que ceux-ci connaissent l’étendue des garanties dont ils bénéficient. 

 

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En l’espèce, en défense, l’assureur a notamment considéré que les garanties « conséquences financières » prévues par le contrat couvraient uniquement les pertes d'exploitation résultant d’un dommage matériel aux biens assurés ou des dommages matériels découlant de mesures prises par les pouvoirs publics. Par conséquent, selon lui, les conditions d'application d’une telle garantie n’étaient pas réunies puisque les pertes de clientèle et donc d’exploitation résultant des décisions des autorités publiques ne sont pas la conséquence de dommages matériels. Cette hypothèse serait donc exclue des garanties du contrat.

 

Le rejet de l’indemnisation de la perte partielle du fonds de commerce  

 

Dans un premier temps, Kookaï a demandé au tribunal de condamner son assureur à l'indemniser en réparation de sa perte de clientèle en raison des diverses mesures administratives de confinement pour contenir le covid-19. En effet, selon elle, la partie clientèle de son fonds de commerce a été sinistrée, ce qui a occasionné un dommage financier couvert par la police d’assurance. Au soutien de cet argument, l’assuré se base sur l’article 1 des conventions spéciales du contrat d’assurance qui stipule qu’un sinistre est constitué par « l'ensemble des dommages matériel et des pertes résultant d’un même évènement et/ou d’une suite d’évènements garantis et/ou non exclus » (jugement p.7) et qu’un dommage matériel est constitué par « toutes altérations, détériorations, atteintes à la structure ou à la substance, destruction, disparitions ou perte d’un bien, d’origine soudaine et accidentelle » (jugement p.7).

 

En réponse, l’assureur a soutenu que la mise en œuvre de la garantie pertes d’exploitation est conditionnée par la réalisation d’un sinistre causé par un dommage matériel. Or, il a estimé qu’il n’est pas possible que la clientèle, un élément immatériel du fonds de commerce, ait subi un dommage matériel. Par conséquent, en l’absence de dommage matériel à un bien, la garantie « conséquences financières » ne pourrait s’appliquer. De plus, il a relevé que les conventions spéciales du contrat prévoyaient justement que les pertes de clientèle soient formellement exclues de la garantie et que la perte de valeur vénale du fonds de commerce faisait l’objet d’une garantie spécifique non applicable à l’espèce. 

 

Procédant à l’exégèse des stipulations du contrat, le tribunal a tout d’abord rappelé les termes du titre 6 litigieux de la convention spéciale : « L’Assureur garantit le paiement d’une indemnité correspondant aux Pertes d’Exploitation subies par l’assuré pendant la période d’indemnisation, c’est-à-dire : la perte de marge brute consécutive & une baisse de chiffre d'affaires, et/ou l’engagement des frais supplémentaires d’exploitation dans la limite de la marge brute ainsi épargnée, résultant de la réduction ou de l’interruption de ses activités par la survenance d’un sinistre, atteignant les biens assurés ou garanti par ailleurs. » (jugement p.8).

 

Pour les juges, si un sinistre désigne bien « l’ensemble des dommages matériels et des pertes résultant d’un même événement et/ou d’une suite d'événements garantis et/ou non exclus » (jugement p.7) et si, l'épidémie ainsi que les mesures des autorités ne sont pas exclues de la liste exhaustive des faits et événements non-garantis, il ne peut cependant « exister un dommage matériel à un bien incorporel tel que la clientèle » (jugement p.9). Dès lors, « il ne peut donc y avoir de sinistre (ensemble de dommages matériels) au sens de la police d’assurances ; la garantie « conséquences financières » ne trouve donc pas application » (jugement p.9).

 

En outre, le juge a relevé qu’« une perte de clientèle telle que celle provoquée par les divers arrêtés et décrets n'est pas automatiquement pérenne, or le dommage au fonds de commerce ne peut résulter que d’une perte pérenne de clientèle » (jugement p.9). Enfin, il a retenu l’argument d’Allianz selon lequel la perte de clientèle est formellement exclue de la police d’assurance et que la garantie « perte de valeur vénale du fonds de commerce » n’est pas applicable, l’empêchement d’exploitation n’étant en l’espèce ni absolue, ni définitive.

 

Pour ces raisons, l’indemnisation de la perte partielle du fonds de commerce par l’assureur a été écartée.

 

Il faut cependant relever que le 28 septembre 2021, la cour d’appel d’Angers avait au contraire estimé que la clientèle constitue un bien meuble assurable et accepté l’indemnisation de perte d’exploitation en raison des mesures sanitaires, sans qu’il n’existe un dommage matériel. Pour cette juridiction, le covid-19 et les mesures sanitaires ont eu des conséquences dommageables sur la clientèle, ce qui constitue en soi un sinistre indemnisable : « il est indéniable que la pandémie de Covid-19 a entraîné un ralentissement majeur de toute l’économie du fait du confinement généralisé de la population et de la fermeture de tous les commerces non essentiels ainsi que d’un grand nombre de lieux accueillant du public. Par conséquent, affirmer comme le font les MMA que la baisse de commandes constatées par la société plaignante n’a pas pour cause un événement atteignant l’entreprise mais la crise économique liée à l’épidémie de covid-19 procède d’une distinction qui n’est pas pertinente » (CA Angers, 28 septembre 2021, n° RG 21/00643).  

 

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Les juges du tribunal de commerce de Paris ont ensuite examiné la demande d’indemnisation résultant de l’impossibilité d’accès aux établissements causée par les mesures gouvernementales ayant entraîné une perte d’exploitation.

 

L’indemnisation au titre de l’impossibilité d’accès prévue par l’extension de garantie

 

Selon Kookaï, les divers arrêtés et décrets ministériels ont édicté une impossibilité d'accès à ses points de vente et auraient ainsi constitué un sinistre assuré au titre de la garantie des conséquences financières. En effet, selon elle, une des extensions de garantie stipulée au titre 6 « garantie des conséquences financières » de la convention spéciale serait applicable puisque, conformément aux lettres de cet article, une autorité compétente a interdit l’accès de la clientèle à l’établissement.

 

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En défense, Allianz a réitéré son argument selon lequel ces clauses ne sont applicables qu’en présence d’un sinistre constituant un dommage matériel au local. De plus, pour lui, ces clauses n’auraient vocation à s’appliquer qu’en présence d’un sinistre non-exclu de la police. Enfin, l’assureur a soutenu que les interdictions de sortie faites à la population ne constituaient pas une véritable impossibilité d’accès aux établissements, des options de click and collect restant possibles.

 

« Il s’agit de déterminer si un assuré peut solliciter l’application de la garantie pertes d’exploitation sans avoir subi de dommages matériels. Nombreuses sont les polices « tous risques sauf » qui ont vocation à jouer uniquement en présence de dommages matériels. Le contentieux des pertes d’exploitation est notamment né de ce constat. Pour autant, certains assurés, 7 % selon l’ACPR, bénéficient d’extensions de garanties qui permettraient la mobilisation des garanties au titre de l’indemnisation des pertes d’exploitation en l’absence de dommage matériel ; c’est du moins la position qui se dessine en jurisprudence ». - Emmanuèle Lutfalla, associée au sein du cabinet Signature Litigation.

 

Le tribunal a alors procédé à une interprétation des termes de l’extension de garantie du titre 6 « garantie des conséquences financières » des conventions spéciales qui concerne « les pertes d’exploitation subies par l’Assuré résultant de la réduction ou de l’interruption de ses activités par la survenance d'un sinistre non exclu dans un rayon de 1,5 km empêchant totalement ou partiellement d’accéder à ses établissements et /ou d’en sortir et/ou d'en faire fonctionner les installations. » (jugement p.9). Son second alinéa, lui, prévoit que « Cette extension s'exerce également lorsqu’il y a impossibilité d’accès aux établissements assurés en raison d’une interdiction des Autorités compétentes. » (jugement p.9).

 

Au visa de l’article 1192 du Code civil selon lequel « on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation », les juges ont d’abord retenu que, contrairement à ce que soutient l’assureur, le second alinéa de l'extension de garantie « ne peut s'entendre qu’indépendamment de l'existence d'un sinistre » (jugement p.9). En effet, les juges ont relevé que, ce second alinéa l’extension « ne comprend aucune référence à un sinistre et se suffit à lui-même » (jugement p.9). L’extension de garantie concernant l’impossibilité d’accès aux établissements de l’assuré serait alors autonome de la police générale d’assurance et pourrait alors s’appliquer en dehors de tout dommage matériel.

 

Concernant la définition de l’impossibilité d’accès, les juges ont tout d’abord rappelé que « toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier » (article 1189 du Code civil). En l’espèce, ils ont estimé que le second alinéa de l’extension de garantie « ne définit pas l’impossibilité d'accès, mais que le premier la définit comme « empêchement total ou partiellement d'accéder à ses établissements et /ou d’en sortir et/ou d’en faire fonctionner les installations » (jugement p.9-10) et, qu’à ce titre, la notion d’accès se réfère à « l’entrée dans l’établissement, et non l’accès extérieur au pas de porte de l’établissement, puisqu’il y a également l’impossibilité d’en sortir » (jugement p.10). Ainsi, pour le tribunal, en application de cette clause, l’assuré doit rapporter la preuve d’une impossibilité d'accès à l'intérieur de l'établissement (i), d’une interdiction faite par les autorités compétentes (ii), de la réduction ou de l’interruption de ses activités (iii), et enfin, d’avoir subi une perte de marge brute (iv) afin d’être indemnisé.

 

S’agissant de la première condition, les juges ont relevé que les divers décrets et arrêtés ont imposé l’interdiction pour la population de sortir de son domicile, sauf pour des activités spécifiques et pour accéder aux commerces dits « essentiels ». Or, les établissements de Kookaï commercialisant des vêtements ne font pas partie de ces commerces. Dès lors, une impossibilité d'accès à l'intérieur des établissements a bien existé lors des confinements. De plus, pour les juges, l’existence d’une option d’achat par click and collect ne constitue pas un substitut d'accès aux établissements, puisqu’il restait interdit d’y pénétrer. Deuxièmement, ces décisions émanaient bien d'une autorité compétente et n’ont pas été valablement contestées en justice. Troisièmement, les juges ont estimé que la réduction et/ou l'interruption des activités de Kookaï a bien été la conséquence de ces décisions administratives, peu importe « que le site internet ait continué à fonctionner, car c'est l’activité des magasins qui est assurée [et] il ne peut être valablement soutenu que le click and collect a compensé entièrement la perte d'activité des magasins » (jugement p.10). Enfin, les juges ont relevé qu’une perte de marge brute de Kookaï a été enregistrée en raison de ces empêchements d’accès de la clientèle à ses établissements.  

 

« Le tribunal de commerce de Paris vient de décider que la rédaction de l’extension de garantie “impossibilité d’accès” peut s’entendre indépendamment de l’existence d’un dommage matériel de sorte que l’extension a vocation à s’appliquer lorsqu’il n’est plus possible d’accéder à l’établissement du fait d’une interdiction prononcée par les autorités compétentes ». – Emmanuèle Lutfalla, associée au sein du cabinet Signature Litigation.

 

Toutes les conditions étant réunies, le tribunal a jugé que les décisions administratives de restriction de déplacement de la population prises en réaction au covid-19 ont bien institué une impossibilité d'accès aux magasins de l’enseigne Kookaï au sens de l’extension de garantie stipulée au sein du contrat d’assurance. Dès lors, l’assuré doit être indemnisé pour les pertes d’exploitation qu’il a subies. 

 

Se posait ensuite la question de déterminer si les décisions des autorités d’instituer un couvre-feu ont continué d’empêcher l’accès de la clientèle de l’assuré à ses établissements. Toutefois, le tribunal a rapidement écarté cet argument considérant que Kookaï n’avait pas suffisamment démontré « le lien de causalité entre le couvre-feu (cause) et le quantum d'une perte d’exploitation éventuelle (préjudice) sur la période de couvre-feu » (jugement p.10).

 

La fixation du quantum d’indemnisation pour pertes d’exploitation

 

Alors que Kookaï a sollicité plusieurs millions d’euros en indemnisation de ses pertes d’exploitation, son assureur a demandé au tribunal de modérer celle-ci à un total de 1 000 000 euros, au motif que l'ensemble des sinistres allégués par Kookaï constituerait un seul et même sinistre, puisque leur événement générateur est le même.

 

Néanmoins, le tribunal a estimé qu’il existe en réalité autant de sinistres que de décisions administratives d’interdiction d’accès, soit trois au total. Dès lors, l'indemnisation correspond à 1 million d’euros avec une franchise de trois jours ouvrés pour la période du 15 mars 2020 au 10 mai 2020, à 1 million d’euros aux mêmes conditions pour la période du 3 au 27 novembre 2020 et enfin à 1 million d’euros pour la période du 3 avril 2021 au 19 mai 2021. 

 

Cependant, s’agissant du quantum définitif d’indemnisation, les juges ont estimé ne pas disposer d’assez d'éléments pour l’évaluer de façon satisfaisante et ont nommé un expert pour en chiffrer son montant exact en application des stipulations du titre 6 des conventions spéciales du contrat.

 

 

L’assureur n’ayant pas interjeté appel, cette décision est définitive. Si d’autres juridictions venaient à suivre le raisonnement du tribunal de commerce de Paris, les implications financières pour les assureurs risqueraient d’être très importantes et pourraient même mettre en péril leur santé financière s’ils devaient à couvrir l'ensemble des pertes d’exploitation liées à l’épidémie de covid-19. Tout l’enjeu reposera alors sur une rédaction claire et précise des garanties et de leurs exclusions en attendant la position de la Cour de cassation.

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Calypso Korkikian

Diplômée de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Sciences Po, Calypso rédige des contenus pour le Blog Predictice.

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