Les contrats d’assurances-vie bénéficient d’un régime fiscal et successoral dérogatoire. Néanmoins, il existe certaines hypothèses dans lesquelles l’application de ce régime est écartée.
Un contrat d'assurance-vie est une convention par laquelle un assureur s'engage auprès du souscripteur, moyennant le paiement de primes, à verser un capital en cas de décès du souscripteur au profit du bénéficiaire au contrat.
Le principe : l’assurance-vie est hors succession
En règle générale, les contrats d’assurances-vie ne font pas partie de la succession. L’article L. 132-13 du Code des assurances dispose que « le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ». En effet, le capital que les bénéficiaires au contrat vont percevoir ne rentre pas dans l’actif successoral. Toutefois, il existe des mécanismes juridiques qui permettent, dans certaines situations, une réintégration de l’intégralité du contrat ou des primes exagérées et donc le paiement de droits de mutation à titre gratuit.
Afin que le souscripteur du contrat d’assurance-vie ne puisse pas déshériter ses héritiers, la loi prévoit certains cas où le contrat va être réintégré dans la succession :
- dans le cas où les primes versées sont exagérées en considération des moyens financiers et de l’âge du souscripteur ;
- dans le cas où le contrat d’assurance-vie serait souscrit à un âge assez avancé, l’administration fiscale pourrait requalifier le contrat en donation indirecte.
Il n’est en principe pas obligatoire de déclarer l’existence d’un contrat d’assurance-vie auprès du notaire.
Dans quel cas peut-on réintégrer un contrat d’assurance-vie dans la succession ?
Primes exagérées du souscripteur qui sont sujettes à la réduction
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 3 novembre 2021 (n° 10-21760), les magistrats ont jugé que les primes versées dans le contrat d’assurance-vie étaient manifestement exagérées, de sorte que l’héritier du souscripteur était en droit de demander la réintégration de ces primes dans la succession.
LIRE LA DÉCISION >> Cour de cassation, 3 novembre 2011, n° 10-21.760
En l’espèce, M. X avait souscrit un contrat d’assurance-vie d’un montant de 200 000 euros, stipulant que Mme Y serait la seule bénéficiaire. Afin de déterminer le caractère exagéré des primes versées, les juges ont tenu compte de la situation patrimoniale de la famille, de l’état de santé, de l’âge du souscripteur et de l’utilité économique de l’opération.
Ils ont ainsi reconnu que les primes versées étaient excessives au regard de la quotité disponible de la succession. Mme Y a donc été condamnée à verser la somme de 50 000 euros à l’héritier de la succession.
Requalification du contrat d’assurance-vie en contrat de capitalisation
Le contrat de capitalisation est différent du contrat d’assurance-vie. Les deux contrats ont des caractéristiques proches ; toutefois, le contrat de capitalisation entre dans la succession du souscripteur et est donc transmis à ses héritiers. En effet, le contrat de capitalisation n’est pas un contrat aléatoire et son économie ne repose pas sur la survie ou sur le décès du souscripteur. C’est un contrat d’épargne qui permet de placer une somme d’argent sur des supports diversifiés.
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 18 juillet 2000 (n° 97-21535), les juges de la Cour ont requalifié le contrat d’assurance-vie en contrat de capitalisation, car il n’y avait pas d’aléa relatif à la durée de vie du souscripteur. Ainsi, le contrat a dû être rapporté à la souscription.
LIRE LA DÉCISION >> Cour de cassation, 18 juillet 2000, n° 97-21.535
Requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte
Dans un arrêt de la Chambre mixte en date du 21 décembre 2007 (n° 06-12.769), les juges ont requalifié le contrat d’assurance-vie en donation indirecte. Les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire avait été désigné ont révélé la volonté du souscripteur de se dépouiller. L’opération est donc assujettie aux droits de mutation à titre gratuit.
LIRE LA DÉCISION >> Cour de cassation, 21 décembre 2007, n° 06-12.769
En l’espèce, M. X, atteint d’un cancer depuis plusieurs années a désigné trois jours avant son décès Mme Y comme légataire universelle. Il avait modifié les clauses bénéficiaires de son contrat dans lequel été déposé 85 % de son patrimoine au profit de cette même personne.
Abus de droit fiscal
L’article L. 64 du Livre des procédures fiscales dispose qu'« afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».
Par conséquent, lorsqu’une personne utilise des mécanismes frauduleux afin de nuire aux droits des héritiers du souscripteur, l’administration fiscale est en droit de se prévaloir de l’abus de droit afin de redresser le bénéficiaire des capitaux décès. Dès lors, il devient redevable non seulement des droits de mutation mais également solidaire des pénalités.
Recel successoral et contrat d’assurance-vie
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 12 décembre 2007 (n° 06-19653), les magistrats ont estimé que la seule non-révélation d’un contrat d’assurance-vie ne constituait pas un recel successoral. L’assurance-vie n’est pas un contrat qui fait partie de l’actif successoral du de cujus, il n’est donc pas rapportable. Toutefois, les juges admettent que le recel successoral peut intervenir en cas d’intention de dissimuler le contrat et au regard du caractère exagéré des primes que celui-ci procure au bénéficiaire.
LIRE LA DÉCISION >> Cour de cassation, 12 décembre 2007, n° 06-19.653
Si les conditions de l’infraction du recel successoral sont remplies, les héritiers lésés pourront alors demander l’intégration du contrat d’assurance-vie dans la succession du de cujus.
Désignation du bénéficiaire au contrat d’assurance-vie par testament
La désignation d’un bénéficiaire par un testament permet de faire rentrer le contrat d’assurance-vie dans la succession. Cette manœuvre est contraire au principe posé par l’article L132-12 du Code des assurances qui dispose que « le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré ».
Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 10 octobre 2012 (n° 11-17891), M. X, veuf de Mme X avait fait un testament olographe aux termes duquel il déclarait vouloir léguer le capital de son contrat d’assurance-vie à l’une de ses filles, Mme Z et à ses deux enfants. Ses autres filles, Mme B et Mme A ont assigné Mme Z et ses enfants en liquidation et partage de la communauté et des successions de M. X et de Mme X. Les magistrats ont admis que le bénéfice de l’assurance-vie constituait une libéralité rapportable à la succession qui est réductible à la quotité disponible en application de l’article 918 du Code civil.
LIRE LA DÉCISION >> Cour de cassation, 10 octobre 2012, n° 11-17.891
Gérard Picovschi a fondé son cabinet Avocats PICOVSCHI en 1988. Il a développé de nombreux domaines de compétences et s’est doté de plusieurs départements (droit des affaires et fiscalité, succession et immobilier), pour mettre toute son expérience au profit de ses clients.