Webinar - Les entreprises d'assurance à l'heure de la pandémie

15 décembre 2020

5 min

webinar assurance Predictice
Predictice a organisé un webinar sur « Les entreprises d’assurance à l’heure de la pandémie », aux côtés de M. Chneiweiss, médiateur de l’assurance, et de M. Durand, Head Life operations chez Barents Re.

Pour visionner l’intégralité du webinar, cliquez sur lien suivant :

webinar Predictice sur l'assurance.

 

Arthur Lemaître, responsable des partenariats chez Predictice et en charge du déploiement de la solution auprès des assureurs, et Éloïse Haddad Mimoun, responsable des contenus et auteur d’une thèse intitulée Les Notions de contrat d’assurance, ont animé le webinar qui a réuni deux grands spécialistes de l’assurance, Arnaud Chneiweiss, médiateur de l’assurance, et Romain Durand, Head Life operations chez Barents Re.

 

Une vingtaine de participants ont répondu présents pour suivre des débats approfondis sur ce thème d’actualité.

 

Quel rôle les entreprises d’assurance jouent-elles dans la gestion de la crise sanitaire ?

 

Les intervenants sont immédiatement entrés dans le vif du sujet en abordant la question du rôle des entreprises d’assurance dans la gestion de la crise sanitaire.

 

L’identification des risques nouveaux

 

Arnaud Chneiweiss a d’abord répondu à la question de savoir si les assureurs avaient pris la mesure de tous les risques qui sont apparus et qui sont à venir.

 

La crise pandémique était sur les écrans radars depuis fort longtemps - Arnaud Chneiweiss, Médiateur de l’assurance

 

 

Selon lui, la crise pandémique faisait partie des risques déjà envisagés par les assureurs, même si personne ne s’attendait à ce qu’elle apparaisse maintenant. En revanche, les risques à venir ont déjà bien été identifiés : le vieillissement de la population, les taux d’intérêt 0 voire négatifs qui engendrent des conséquences pour l’assurance-vie et les produits d’épargne proposés par les assureurs, le dérèglement climatique qui aura des conséquences notamment sur l’assurance habitation (M. Chneiweiss a mentionné à ce propos l'étude qu'il a rédigée sur le sujet avec José Bardaji pour la Fondation sur l'innovation politique), la révolution numérique.

 

Si ces risques sont déjà identifiés, il est probable que les assureurs ne parviendront pas à les maîtriser seuls, et qu’il faudra faire appel à un partenariat public/privé.

 

Il y a également le risque de voir apparaître des acteurs nouveaux qui disruptent le marché, et dont les promesses - d’être plus réactifs, plus agiles, plus chers - doivent interroger les assureurs. Il s’agit de start-ups ou d’acteurs qui s’occupent de niches particulières, comme la lutte anti-fraude, les réparations à la suite d’un sinistre automobile… Ces nouveaux acteurs bénéficient des progrès réalisés en matière de reconnaissance des images et de la possibilité d’industrialisation la gestion des sinistres qui en découle.

 

L’analyse des besoins nouveaux des assurés

 

Le Médiateur s’est ensuite penché sur les besoins nouveaux des assurés. Il note que le nombre de sujets portés devant lui est en pleine croissance, les saisines ayant augmenté de 18% en 2020.

 

Dans 31% des cas, le Médiateur donne raison à l’assuré, ce qui est beaucoup, puisque le service réclamations de l’assureur a déjà examiné deux fois le sujet.

 

Après avoir détaillé sa grille d’analyse (vérification du caractère précis de la clause d’exclusion, signature des documents contractuels, présence ou non d’une clause abusive, modalités de déclaration du risque), M. Chneiweiss a évoqué les cas dans lesquels l’assuré n’obtenait pas gain de cause, notamment en raison du caractère restrictif des garanties énoncées dans le contrat, ce qui soulève les questions de la formation des vendeurs et du respect du devoir de conseil de l’assureur au moment de la souscription.

 

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Les risques engendrés par l’épidémie de la covid-19 sont-ils assurables ?

 

La question délicate de l’assurabilité des risques engendrés par l’épidémie de la covid-19 a ensuite été abordée.

 

Est-il trop tard pour couvrir ces risques ?

 

Romain Durand a fait remarquer que lorsque le risque a déjà eu lieu, il ne peut plus être couvert, du fait de la disparition de l’aléa. Les décès et les interruptions de travail consécutifs à la pandémie ne peuvent donc plus être assurés, qu’ils aient été prévus ou non.

 

La vraie question qui se pose est : faut-il réfléchir à une couverture de ces risques ? La réponse est oui, fait valoir Romain Durand.

 

À partir du moment où il y a un aléa, le risque est assurable. Certes, il n’est peut-être pas assurable totalement, ni dans n’importe quelles conditions, ni dans l’état actuel de nos connaissances, mais il faut envisager dès aujourd’hui la couverture de ces risques. - Romain Durand, Head life operations chez Barents Re

 

 

 

Le métier de l’assurance, c’est de prendre des risques, a souligné M. Durand, qui a ensuite fait valoir qu’en ce moment, ce n’était pas à proprement parler le risque de pandémie qui était évoqué, mais plutôt le risque de réaction de l’État à une pandémie. D’ailleurs, le secteur le plus touché n’est pas été l’assurance-vie en cas de décès, ou l'assurance en cas d’incapacité ou d’invalidité ou encore celle couvrant les frais médicaux, mais bien l’assurance de pertes d’exploitation.

 

Éloïse Haddad Mimoun a alors fait remarquer qu’en effet, les clauses d’exclusion de garantie contestées dans le cadre des litiges entre les assureurs et les restaurateurs envisageaient la fermeture du restaurant en cas d’arrêté administratif consécutif à une pandémie.

 

Romain Durand a alors plaisanté en s’interrogeant sur la possibilité de se garantir contre le risque des gouvernants, sujet sur lequel, fidèle à la pensée libérale, il est très sceptique.

 

Il a ensuite poursuivi en expliquant que faire face aux réactions des pouvoirs publics en temps de pandémie n’est pas un risque aisé à modéliser, dans la mesure où ces réactions créent un étage intermédiaire qui complique la couverture : ce n’est pas la même chose de couvrir ces risques en Suède que dans les pays qui pratiquent des confinements durs.

 

M. Chneiweiss a alors évoqué les types de litiges consécutifs à la crise sanitaire qui étaient portés devant lui : les annulations de voyage, les pertes d’exploitation, la prise en charge des arrêts de travail, quelques demandes de remboursement partiel des primes automobiles, et une demande relative à la prise en charge de frais de garde d’enfants.

 

Un participant a alors posé la question au Médiateur de savoir s’il pouvait être saisi pour des litiges relatifs aux pertes d’exploitation dans les contrats professionnels. La réponse est positive. M. Chneiweiss a profité de l’occasion pour rappeler que les discussions entre les pouvoirs publics et les assureurs avaient abouti à élargir la possibilité de recours à la Médiation aux entreprises. Il a fait remarquer à ce propos que depuis longtemps, de grands acteurs de l’assurance, comme AXA, Generali, Covéa… avaient indiqué à leurs assurés professionnels qu’il leur était possible de saisir la Médiation.

 

La Médiation demeure néanmoins un procédé volontaire. Les assureurs peuvent donc refuser d’entrer en médiation pour les litiges sériels, comme les pertes d’exploitation. Le Médiateur n’étant pas un juge, il peut donc juger en droit et en équité. Ses décisions ne s’imposent pas, et il est possible d’aller en justice, même si en pratique ce n’est quasiment jamais le cas.

 

Éloïse Haddad Mimoun a alors rebondi sur les propos de M. Durand, qui avait précisé que la pandémie était un risque assurable, en faisant remarquer qu'il s'agit pourtant d’un risque systémique, qui pourrait être considéré comme rétif à la mutualisation des risques et à la mise en œuvre de la loi des grands nombres.

 

Romain Durand a répondu en précisant que pour sa part, il avait un a priori, qui est celui du technicien et de l’assureur : selon lui, tous les risques sont assurables. Selon lui, l’assureur doit penser que tout risque est assurable et doit travailler pour que ce soit le cas.

 

Puis il a évoqué les techniques d’assurance : on peut couper le risque en tranches, assurer des parties de risque… D'ailleurs, le risque de pandémie est déjà assuré : la Banque mondiale propose un bon, qui est émis au profit des pays émergents, et qui a joué cette année. Il a ensuite rappelé qu’à l’époque, certains assureurs pensaient qu’il n’était pas possible d’assurer les personnes atteintes du SIDA dans les contrats de couverture emprunteurs, ce qui en définitive s’était conclu avec la convention Belorgey et avec la couverture progressive de ce risque.

 

À la question de savoir s’il était possible d’envisager une solution hybride, sur le modèle du régime cat nat, Romain Durand a répondu qu’il n’était pas défavorable par principe aux partenariats public/privé, mais qu’il fallait rester vigilant pour ne pas que cela devienne des solutions de facilité. De plus, si l’État est souvent vu comme une source de financement importante, il ne faut pas oublier que les marchés financiers constituent une source beaucoup plus importante. Romain Durand a alors expliqué de façon claire et exhaustive la technique de titrisation, qui est utilisée pour la couverture des catastrophes naturelles : il s’agit de mécanismes d’appel direct aux marchés auxquels ont recours les assureurs et les réassureurs, qui consistent à mettre le risque dans un véhicule, et de proposer à des investisseurs de mettre leur argent dans ce véhicule afin de garantir les catastrophes. Tant que la catastrophe ne se réalise pas, un intérêt, financé par les primes d’assurance ou de réassurance, est versé sur l’investissement. Lorsque la catastrophe se réalise, le dénouement dépend du type de bon : soit les intérêts ne sont pas versés aux investisseurs, soit c’est le capital investi qui disparaît. Il s’agit en quelque sorte d’un cautionnement.

 

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Les conséquences de la crise pandémique pour les assureurs

 

La seconde partie, consacrée aux conséquences de la crise pandémique pour les assureurs, a alors été abordée.

 

La bataille de l’image

 

Le sujet évoqué par les intervenants a ensuite porté sur la bataille de l’image, que les assureurs semblent avoir perdu pour le moment. M. Chneiweiss a évoqué le décalage entre la réalité des mesures prises par les assureurs et l’image qui est renvoyée au grand public. Il a rappelé l’importance du dialogue et de la médiation, car il est clair qu’un déficit de pédagogie est à l’origine de ce problème.

 

Arthur Lemaitre a alors demandé à Romain Durand si ce déficit d’image avait touché également les assureurs à l’étranger. M. Durand a répondu positivement. « Une bérézina », a-t-il ajouté, qui a touché tous les pays européens. Cette bataille de l’image a été perdue car les assureurs ont tenu au grand public un discours très technique et peu pédagogue. Il semblerait qu’aux États-Unis en revanche, les assureurs aient mieux défendu leur image, notamment en remboursant immédiatement les primes automobile, même s’il ne faut pas oublier qu’en matière de pertes d’exploitation, la bataille semble y être plus féroce qu’en Europe. Cette mauvaise réaction des assureurs a probablement été causée par un manque de préparation à la pandémie et un sentiment de panique face aux conséquences financières qui risquaient d’être très graves.

 

M. Chneiweiss a alors rappelé que les assureurs ont promis au mois de décembre un gel des tarifs d’assurance en 2021.

 

Les conséquences financières de la pandémie pour le secteur de l’assurance

 

M. Durand, pour répondre à la question de savoir quelles seront les conséquences financières pour le secteur des assurances, a précisé qu’il fallait d’abord se demander quelles seront les conséquences sur les primes, en particulier si la crise économique perdure et s’aggrave. Ensuite, il faut s’interroger sur les conséquences de la pandémie sur les provisions. En effet, toutes les entreprises d’assurance sont gérées en capitalisation et en répartition. Le scénario le plus dangereux pour les assureurs et les réassureurs est celui des ciseaux, c’est-à-dire l’hypothèse dans laquelle les montants des primes diminuent tandis que les réserves augmentent. Il s’agit du risque qui alarme le plus les assureurs aujourd’hui.

 

Ce risque est tempéré par plusieurs choses : les assureurs sont aidés par leur situation de quasi-monopole ; de plus, le marché de l’assurance est à la hausse : ainsi, sur le marché de Londres, les prix de certaines branches augmentent de 20 voire 30% d’une année sur l’autre. Enfin, il est probable que la croissance repartira à la hausse dès que les restrictions administratives prendront fin.

 

M. Chneiweiss a rebondi sur ces propos en soulignant que les taux d’intérêt allaient rester à zéro pendant longtemps, de sorte que si les investissements financiers des assureurs ne valent plus grand-chose, une augmentation des tarifs s’ensuivra nécessairement. Néanmoins, la pression des gouvernements limitera cette hausse.

 

M. Durand a ensuite évoqué les branches d’assurance qui tirent profit de la crise : à court terme, l’assurance santé en a profité en raison du report de nombre de traitements, ainsi que l’assurance auto, du fait que les voitures roulent beaucoup moins en période de confinement. De plus, la sortie de crise, qui se fera probablement sur le modèle keynésien, permettra aux assurances qui couvrent les risques associés aux grands travaux de prospérer. En revanche, les assurances qui couvrent les interruptions de travail et les pertes d’exploitation risquent de connaître des difficultés.

 

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Pauline Bousch

Etudiante en droit à Sciences Po, Pauline est rédactrice de contenu pour Predictice.

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