Une protection renforcée pour les lanceurs d’alerte

21 avril 2022

12 min

lanceurs d'alerte
La protection des lanceurs d’alerte issue de la loi Sapin II de 2016 vient d’être renforcée par la loi Waserman de 2022 transposant la directive du 23 octobre 2019.

En révélant des infractions portant gravement atteinte à l'intérêt général, les lanceurs d'alerte signalent des défaillances ou pratiques occultes et contribuent « à renforcer la transparence et la responsabilité démocratique » (Conseil de l'Europe, Protection des lanceurs d’alerte, Recommandations CM/Rec 2014/7, 30 avril 2014). L’alerte peut également être « perçue comme un outil efficace de compliance afin d'améliorer le fonctionnement général de l'entreprise, de réduire les coûts liés à la fraude et de renouveler la confiance entre l'entreprise et l'État » (Lagesse, P. et Armillei, V., « Le statut du lanceur d’alerte -  État des lieux et proposition de directive européenne », Revue internationale de la compliance et de l'éthique des affaires, Étude 64, no 2, 2019.). On doit ainsi les révélations sur les dangers du Médiator à la pneumologue Irène Frachon, sur la surveillance d’Internet par les États-Unis à Edward Snowden ou sur les accords fiscaux passés entre le gouvernement luxembourgeois et de grandes multinationales à Antoine Deltour. 

 

« L’émergence des lanceurs d’alerte est une question de droits fondamentaux qui repose sur la liberté d’expression et d’information, mais aussi un fait de société dans notre monde des réseaux sociaux et des nouvelles technologies de l’information, car chaque citoyen qui veut lancer une alerte peut techniquement le faire […]. Les lanceurs d’alerte représentent un garde-fou démocratique et citoyen dans nos États de droit, notamment sur des enjeux majeurs comme la lutte contre la corruption, les atteintes à l’environnement, ou les questions de libertés individuelles. » - Proposition de loi nº 4398 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

 

En alertant leur employeur, les autorités ou encore la société, les lanceurs d'alerte prennent toutefois des risques pénaux, mais aussi financiers. Le développement progressif de leur protection s’inscrit dans un contexte de moralisation du monde des affaires où la justice négociée est promue par le législateur (notamment pas le mécanisme de convention judiciaire d’intérêt général).

« [L’introduction de l’alerte professionnelle] représente en Europe continentale un changement culturel radical. Outre le fait que la pratique de la dénonciation, qui a laissé des traces douloureuses après la dernière guerre mondiale, est maintenant fortement encouragée dans les entreprises comme dans les administrations, ce bouleversement culturel est l’occasion de moderniser les rapports entre salariés et dirigeants dans le milieu du travail ». - Lenoir, N., « Protection européenne des lanceurs d’alerte : une avancée et un défi », Le Grand Continent, 14 avril 2020.
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Si les articles 6 à 16 de la loi Sapin II de 2016 ont instauré un statut unique du lanceur d’alerte, des critiques subsistaient quant à l’efficacité de ce dispositif.

 

Un premier cadre de protection bienvenu mais défaillant

Le fait de pouvoir dénoncer des actes illégaux étant rattaché à l’exercice de la liberté d’expression et de conscience (Conseil de l'Europe, Protection des lanceurs d’alerte, Recommandation CM/Rec 2014/7, 30 avril 2014 ; en ce sens : Cour Européenne des Droits de l´Homme, 26 mars 2020, n° 59636/16 et Cour Européenne des Droits de l´Homme, 8 janvier 2013, n° 43517/09), il est nécessaire de protéger cette faculté comme un droit fondamental. 

 

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Or, avant la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II), il n’existait pas de régime unifié de protection des lanceurs d’alerte en droit français. Si plusieurs dispositifs disparates de protection, notamment en matière de santé et protection de l’environnement (loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte) cohabitaient, leur articulation générait des confusions pour les potentiels lanceurs d’alerte.  

 

Lors de l’élaboration de la loi Sapin II, le Conseil d’État a d’ailleurs publié une étude soulignant les limites des dispositifs existants. Il a en effet constaté que « la multiplication des dispositifs et leur manque de clarté ne rendaient pas toujours aisé pour les personnes souhaitant émettre une alerte de savoir si elles relèvent ou non de l’un des dispositifs de protection récemment adoptés » (Étude du Conseil d’État, « Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger » citée dans le Rapport d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » du 7 juillet 2021). De plus, le Conseil d’État avait relevé que « les dispositifs de recueil et de traitement des alertes étaient méconnus, peu présents dans les petites et moyennes entreprises et peu utilisés dans les grandes qui s’en étaient dotées. En l’absence de consignes de la part des autorités publiques, les signalements restaient très rares, tant dans le secteur public que privé » (Étude du Conseil d’État, op cit.).

 

Afin de corriger ces dysfonctionnements, la loi Sapin II a érigé un statut unifié pour les lanceurs d’alerte avec un régime de protection unique et abrogé les dispositifs sectoriels antérieurs (article 15 de la loi Sapin II).

 

Le lanceur d’alerte a alors été défini comme étant une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou d’un règlement, ou encore toute menace grave pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance (article 6 de la loi Sapin II). Saisi par des parlementaires, le Conseil constitutionnel avait à l’époque considéré que ces critères de définition n'étaient pas imprécis et ne méconnaissaient ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ni le principe de légalité des délits et des peines (Conseil constitutionnel, 8 décembre 2016, n° 2016-741 DC).

 

Un dispositif spécifique a cependant été pensé pour les lanceurs d’alerte agissant au sein d’une société financière soumise au contrôle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) (article 16 de la loi Sapin II). 

 

Enfin, la loi Sapin II a exclu la protection du lanceur d’alerte lorsqu’il révèle des faits, informations ou documents couverts par le secret de défense nationale, le secret médical ou le secret entre un avocat et son client (article 6 de la loi Sapin II).

 

Un rapport d'information sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite " loi Sapin II " a mis en lumière les limites au régime de protection issu de la loi Sapin II. Ainsi, selon ses auteurs, « un premier bilan de la loi montre cependant une faible utilisation de ce dispositif en raison de sa complexité et parce qu’il expose les lanceurs d’alerte à un risque juridique et financier considérable. Les moyens consacrés au recueil et au traitement des alertes semblent encore insuffisants, tout comme l’accompagnement des auteurs de ces signalements » (rapport, partie III). De plus, il a été relevé que « le statut des lanceurs d’alerte fait face à une contradiction : tandis que la loi Sapin 2 incite à effectuer des signalements en affirmant l’existence de garanties élevées pour les lanceurs d’alerte, la protection et l’accompagnement des auteurs de signalement restent faibles en pratique, exposant parfois les lanceurs d’alerte à de grandes difficultés » (rapport, partie III). 

 

Dès lors, si la loi Sapin II a permis à la France de rattraper son retard par rapport à d’autres pays (le False Claims Act a consacré un droit d’alerte aux États-Unis dès 1863 par exemple), « le statut n’est pas encore arrivé à maturité tant du point de vue de la protection contre les représailles que de l’efficacité des dispositifs de recueil et de traitement des alertes » (rapport, partie III). 

 

La transposition de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union a permis au législateur français de procéder à des ajustements afin de rendre le régime de protection des lanceurs d’alerte plus efficace.

 

Une définition plus large du lanceur d’alerte

L’article 6 de la loi Sapin II n’ouvrait le statut du lanceur d’alerte qu’aux personnes physiques ayant eu une connaissance personnelle des faits (i), agi de manière désintéressée (ii) et de bonne foi (iii). En revanche, la directive a retenu une définition plus large du lanceur d’alerte. Ainsi, elle impose aux États membres de protéger les personnes physiques qui ont des motifs raisonnables de croire, à la lumière des circonstances et des informations dont ils disposent au moment du signalement, que les faits de violation de règles du droit de l’Union européenne qu’ils signalent sont véridiques, et ce, quel que soit le degré de gravité des faits (article 2 de la directive).

 

La loi de transposition du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte (loi Waserman) prévoit désormais que « sera reconnue comme lanceur d'alerte la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement » (article 1 de la loi Waserman). Les dispositions ci-après détaillées de cette loi entreront en vigueur six mois après sa promulgation, soit en septembre 2022 (article 18 de la loi Waserman).

 

Il n’est donc plus nécessaire que le lanceur d’alerte agisse « de manière désintéressée », la simple absence de contrepartie financière suffira à prouver sa bonne foi. Le rapport d'information sur l’évaluation la loi Sapin II précité soulignait en effet qu’« entendu au sens large, le critère du désintéressement peut cependant exclure certains lanceurs d’alerte d’une protection légitime. En effet, une personne qui effectue un signalement concernant une entreprise avec laquelle il se trouve en litige pour une autre raison (parfois indirectement liée à l’alerte) peut être considérée comme intéressée. Il en va de même lorsque les conséquences de son alerte peuvent lui bénéficier (par exemple en signalant l’agissement illégal d’un concurrent ou d’une administration) » (rapport, partie III). Il est également devenu possible de signaler des faits rapportés dont le lanceur d'alerte n’a pas eu « personnellement connaissance ». 

 

De plus, le lanceur d’alerte peut désormais dénoncer, outre les faits illégaux, les « tentatives de dissimulation » des infractions ou encore « des informations » portant sur celles-ci (article 1 de la loi Waserman). En outre, ces infractions n’ont plus à présenter un caractère « grave et manifeste » (article 1 de la loi Waserman). En revanche, la loi consacre deux nouveaux types de secret qui excluent la révélation des faits : le secret des délibérations judiciaires et le secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires (article 1 de la loi Waserman).

 

Enfin, dans l’hypothèse où une personne effectue un signalement ou une divulgation publique de façon anonyme et que son identité est finalement révélée, la loi Waserman lui étend le bénéfice du statut de lanceur d'alerte au nom de la protection des sources (article 3 de la loi Waserman).

 

Une procédure de signalement allégée

En 2016, le législateur a semblé considérer que dès lors que le lanceur d’alerte devait agir de bonne foi et de façon désintéressée, il ne devait pas chercher à déstabiliser l’organisation qu’il dénonce, mais plutôt à l’aider à corriger ses défaillances. La procédure de signalement a donc été conçue de manière graduée et proportionnée au manquement par le biais de trois canaux d’alerte (article 8 de la loi Sapin II).

 

Il était donc prévu que le lanceur d’alerte s’adresse en premier à son supérieur hiérarchique direct ou indirect, son employeur ou, le cas échéant, au référent alerte de son entreprise. Le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l'État est venu préciser que le référent dispose de trois mois pour traiter le signalement et pour vérifier si les faits rapportés entrent dans les qualifications énumérées par la loi et ne sont pas couverts par un secret. Si le référent n’entendait pas donner de suite au signalement, il en informait alors son auteur et détruisait l’ensemble des éléments constitutifs du dossier dans un délai de deux mois. Au contraire, s’il estimait que le signalement était suffisamment sérieux, il était habilité à saisir les autorités compétentes. 

 

Une fois le signalement interne effectué, les autorités extérieures compétentes, qu’il s’agisse des autorités judiciaires, administratives ou encore des ordres professionnels, pouvaient être prévenues. La divulgation au public ne pouvait intervenir qu’en dernier ressort à défaut de traitement du signalement par les autorités extérieures dans un délai de trois mois. Cette procédure en trois étapes pouvait toutefois ne pas être respectée en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles. 

 

Tout en appliquant la distinction entre signalement interne ou externe, la directive du 23 octobre 2019 a laissé le choix au lanceur d'alerte de divulguer ses informations soit en interne, soit directement auprès des pouvoirs publics afin de mieux prendre en compte le risque de représailles. La loi Waserman a tiré les conséquences de cette alternative et le droit français prévoit désormais que le lanceur d'alerte pourra choisir d’effectuer un signalement interne ou directement un signalement externe à une autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen (article 3 de la loi Waserman). L’alerte au public demeure une option de dernier ressort qui ne peut intervenir qu’en l’absence de traitement à la suite d'un signalement externe dans un certain délai, en cas de risque de représailles, lorsque le lanceur d’alerte considère que son signalement n’a aucune chance d’aboutir ou en cas de danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général. 

 

« D’un côté, permettre aux lanceurs d’alerte de transmettre directement leur signalement aux autorités judiciaires ou administratives est susceptible de jeter la suspicion sur l’entité concernée qui a toutes bonnes chances de devoir répondre aux interrogations d’un parquet ou d’une autorité administrative avant même d’avoir pu enquêter en interne sur les faits dénoncés. D’un autre côté, cette disposition ne peut qu’inciter les entreprises et les administrations à se doter de dispositifs suscitant la confiance en interne de sorte que les employés notamment n’aient pas de réticence à signaler des anomalies ou des infractions » - Lenoir, N., « Protection européenne des lanceurs d’alerte : une avancée et un défi », Le Grand Continent, 14 avril 2020.

 

 

Le rapport d'évaluation du dispositif issu de la loi Sapin II du 7 juillet 2021 soulignait en effet que l'obligation de signaler les dysfonctionnements d'abord en interne auprès du supérieur hiérarchique ou d’un référent pouvait constituer un obstacle pour le lanceur d’alerte et regrettait le manque d'accompagnement des personnes.

 

Enfin, la directive et la loi de transposition obligent les personnes morales de droit public ou de droit privé employant au moins 50 agents ou salariés, les communes de plus de 10 000 habitants et les administrations de l’État à mettre en place un dispositif de recueil et de traitement des signalements, et ce, avant le 22 septembre 2022. L’objectif d’un tel dispositif est de « recevoir et traiter, au stade le plus précoce possible, toutes les alertes concernant tout fait, avéré ou soupçonné à juste titre, de violation des lois et règlements en vigueur (ou) du code de conduite de l’entreprise » (International Chamber of Commerce, ICC Guidelines on Whistleblowing). Un décret devra venir préciser son contenu et ses modalités d’application.

 

Une protection renforcée

Afin de limiter les conséquences négatives d’une alerte et d’encourager les personnes qui ont connaissance de faits graves à les signaler, la loi Sapin II sanctionne les représailles visant à intimider les lanceurs d’alerte.

 

Le dispositif de protection issu de la loi Sapin II est conditionné par la réunion de plusieurs conditions : la personne physique répond aux critères de définition du lanceur d’alerte (i), la divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde de l’intérêt général (ii) et la personne doit avoir respecté les différentes étapes de la procédure de signalement (iii).  

 

Si ces critères sont respectés, le lanceur d’alerte bénéficie alors de différentes formes de protection.

 

Tout d’abord la procédure mise en œuvre pour recueillir les signalements a été conçue pour garantir une stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement (article 9 de la loi Sapin II). Le fait de divulguer les éléments confidentiels de nature à identifier le lanceur d’alerte ou la personne mise en cause par un signalement est lui-même sanctionné par une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 9 de la loi Sapin II). La loi punit également le fait d’entraver la transmission d’un signalement, de quelque façon que ce soit, par une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (article 13 de la loi Sapin II).

 

De plus, la loi Sapin II interdit les mesures de représailles professionnelles sous forme de sanction ou de discrimination à l’encontre du lanceur d’alerte (article 10 de la loi Sapin II ; article L. 1132-3-3 du Code du travail ; article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). Afin de contester plus rapidement de telles mesures, elle a également introduit la possibilité d’agir en référé devant le conseil des prud’hommes (article 12 de la loi Sapin II). Elle a également instauré un régime de partage de la charge de la preuve favorable au lanceur d’alerte en cas de litige sur le caractère discriminatoire d’une mesure qui aurait été prise à son encontre (article L.1132-3-3 du Code du travail).

 

La loi Waserman de 2022 a  renforcé les garanties de confidentialité et complété la liste des représailles interdites pour y inclure les actes d’intimidation, d’atteinte à la réputation, notamment sur les réseaux sociaux, d’orientation abusive vers des soins ou encore d’inscription sur une liste noire (articles 6 et 7 de la loi Waserman). Elle a également modifié l’article 13 de la loi Sapin II, qui réprime les procédures bâillons faisant obstacle à la transmission d’un signalement, en doublant le montant de l’amende civile pour atteindre 60 000 € (article 9 de la loi Waserman). Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré les dispositions de la loi Waserman visant à étendre cette disposition aux plaintes avec constitution de partie civile (Conseil constitutionnel, 17 mars 2022, n° 2022-839 DC).

 

Enfin, l’article 122-9 du Code pénal prévoit l’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte pour toute atteinte à un secret protégé par la loi, à l’exception des secrets relevant de la défense nationale, du secret médical ou du secret des relations entre un avocat et son client, dès lors que la divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte (article 7 de la loi Sapin II). En revanche, les atteintes au secret de la défense nationale, au secret médical ou au secret des relations entre un avocat et son client ne sont pas concernées par cette irresponsabilité pénale. 

 

La loi Waserman a étendu ces cas d'irresponsabilité (article 6 de la loi Waserman). Ainsi, les lanceurs d’alerte ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu'elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause. De plus, le lanceur d'alerte ne peut plus être inquiété pénalement lorsqu’il « soustrait, détourne ou recèle des documents ou tout autre support contenant les informations dont il a eu connaissance de manière licite » (article 6 de la loi Waserman).

 

Un meilleur accompagnement 

La directive du 23 octobre 2019 a étendu la protection offerte aux lanceurs d’alerte, aux personnes physiques et aux personnes morales à but non-lucratif telles que les syndicats et associations qui ont facilité son signalement. La loi Waserman a donc intégré au dispositif de protection les « facilitateurs », définis comme les personnes physiques et les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui aident le lanceur d’alerte dans ses démarches (article 2 de la loi Waserman). À cet égard, le texte français va au-delà de la directive du 23 octobre 2019, qui, elle, inclut uniquement les facilitateurs personnes physiques. 

 

La loi de 2022 a également pris en compte le coût financier généré par une procédure d’alerte. En effet, même en l’absence de représailles, il peut arriver que lanceur d’alerte doive quitter son poste ou voit sa trajectoire de carrière ralentie par ses révélations. La crainte de perte de revenus pourrait alors décourager les lanceurs d’alerte. Pour compenser ce risque financier, la loi Sapin II avait déjà prévu que le Défenseur des droits puisse accorder au lanceur d’alerte une aide financière (article 1er de la loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte) ; cependant, le Conseil constitutionnel a censuré cette possibilité, estimant que « la mission confiée par les dispositions constitutionnelles précitées au Défenseur des droits de veiller au respect des droits et libertés ne comporte pas celle d'apporter lui-même une aide financière » (Conseil constitutionnel, 8 décembre 2016, n° 2016-740). La loi permet désormais au juge d’accorder une provision pour frais de justice au lanceur d'alerte lorsqu’il conteste en justice une mesure de représailles ou une procédure de diffamation à son encontre (article 6 de la loi Waserman). De plus, le juge aura aussi la possibilité d’allouer une provision au lanceur d'alerte si sa situation financière s'est gravement dégradée depuis son signalement. Le juge pourra alors décider que la provision allouée soit définitivement acquise à tout moment de la procédure. En revanche, la proposition de la commission des lois visant à créer un fonds d’aides financières alimenté par le produit des amendes prononcées à l’encontre des personnes faisant obstacle aux alertes n’a pas été retenue.

 

Si la loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte donnait déjà compétence au Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte, la loi Waserman de 2022 a souhaité mieux prendre en compte l’impact psychologique et l’isolement que peut subir le lanceur d’alerte. Une seconde loi, la loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte, a prévu la création d’un poste d’adjoint au Défenseur des droits spécifiquement chargé d'accompagner les lanceurs d’alerte. De plus, toute personne pourra demander au Défenseur des droits de certifier sa qualité de lanceur d’alerte, ce qui facilitera faciliter son accès au régime de protection, notamment contre les représailles et les procédures bâillons.

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Calypso Korkikian

Diplômée de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Sciences Po, Calypso rédige des contenus pour le Blog Predictice.

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