L'open data, définition d'une notion au cœur de l'actualité juridique

17 mars 2022

4 min

illustration open data
Depuis le 1er octobre 2021, l’open data des décisions de justice est une réalité faisant entrer la jurisprudence dans l’ère de l’abondance des données juridiques disponibles légalement et gratuitement.

Depuis le 1er octobre 2021, l’open data des décisions de justice est une réalité. La jurisprudence entre ainsi dans l’ère de l’abondance des données disponibles légalement et gratuitement. Ce phénomène n’est pas sans susciter de nombreuses interrogations de leur exploitation et de leur traitement et fait naître des perspectives et craintes pour les acteurs de la justice.

 

La présente chronique dédiée à « l’open data des décisions de justice », qui sera composée de plusieurs articles et interviews, propose d’apporter quelques éclairages notamment sur la notion même d’open data, son cadre légal, ses enjeux pour les acteurs juridiques.

 

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La notion d’open data

Le terme signifie en français « donnée ouverte ». Il est apparu pour la première fois au milieu des années 1990 dans le domaine scientifique et a progressivement été associé à un mouvement, celui de l’ouverture des données publiques, qui a imprégné le monde de la recherche, avant de s’étendre à la politique des administrations publiques à partir des années 2000.

 

Selon le site internet d’Etalab, département de la direction interministérielle du numérique, « Chief Data Officer » de l’État en charge de la coordination, la conception et la mise en œuvre de la stratégie de l’État dans le domaine de la donnée, l'open data public consiste à assurer la large mise à disposition à tous de données, en accès libre et gratuit, sous un format numérique facilement réutilisable.

 

L’open data se caractérise donc par trois éléments :

 

1° L’accessibilité des données

En matière de décisions de justice, l’accessibilité des données est assurée par la Cour de cassation pour les juridictions judiciaires, via l’interface Judilibre, et par le Conseil d’État pour les juridictions administratives, via la plateforme « décisions de la justice administrative ». À ce jour, seul l’ensemble des décisions rendues par les hautes juridictions de chaque ordre depuis le 1er octobre 2021 sont concernées par l’open data. Les décisions des juridictions d’appel et de première instance le seront également, mais selon un calendrier qui s’étalera jusqu’en 2025.

 

L’open data des décisions de justice ne sera pas total : d’une part, seules les décisions rendues à compter des dates indiquées à l'arrêté du 28 avril 2021 sont concernées, et non le stock des décisions antérieures ; d’autre part, seules les décisions rendues publiquement sont concernées. Ainsi, les décisions rendues en chambre du conseil, par exemple, en sont exclues.

 

Il en est de même pour les décisions rendues par le Conseil constitutionnel et le Tribunal des conflits. Toutefois, ces dernières sont déjà mises à disposition gratuitement sur les sites desdites juridictions.

 

Selon le Ministère de la justice, à terme, seront concernées plus de 300.000 décisions annuelles pour l’ordre administratif et plus de 3 millions pour l’ordre judiciaire. L’open data des décisions de justice favorisera l’accès au droit, renforcera la transparence de la justice et facilitera sa connaissance.

 

2° L'exploitation des données

Depuis le 1er octobre 2021, l'exploitation des décisions de justice est simplifiée par l’interface Judilibre et par la plateforme Open data du Conseil d’État, laquelle permet de télécharger les décisions sous forme de fichiers zippés. Désormais, il n’est plus nécessaire de scrapper les sites sources pour récupérer les données, qui sont délivrées dans un format standard, structurées avec des métadonnées, et parfois accompagnées d’une synthèse.

 

L’enjeu principal de l’exploitation des données en matière judiciaire, mais qui n’est pas spécifique à ce domaine, réside dans la protection de la vie privée. Malgré l’anonymisation des décisions, par l’occultation de certaines informations, la question de l’identification des acteurs du procès est un point de cristallisation des débats autour de l’open data des décisions de justice au regard des données très personnelles et sensibles qu’elles contiennent.

 

3° La liberté de réutilisation des données

Elle est garantie par différents textes mais n’est pas sans restriction en matière de décisions de justice. Ainsi, à titre d’exemple, l’article L.111-13 du code de l'organisation judiciaire fait interdiction, sous peine de sanctions pénales, de réutiliser certaines données, notamment le nom des juges et des greffiers, à des fins d’analyse, de comparaison ou de prédiction de leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées.

 

Distinctions entre les différentes notions

Distinction entre open data et big data

À la différence de l’open data qui désigne un processus, le big data concerne le champ des données collectées. Dans le domaine juridique, le big data ne se limite pas aux seules décisions de justice. Il implique aussi tout un corpus de données qui présentent un intérêt pour les acteurs du droit et de l’assurance. Documents parlementaires, conventions collectives, chartes de bonne conduite, documents internes à certaines entreprises…sont autant de sources de données qui sont susceptibles d’être exploitées.

 

Distinction entre open data et open access

Les articles L. 111-13 et L. 111-14 du code de l’organisation judiciaire issus de la loi du 23 mars 2019 instaurent deux régimes distincts de communication des décisions de justice. Il s’agit, d’une part, de la mise à disposition à titre gratuit et sous forme électronique des décisions, appelée l’open data, et, d’autre part, de la délivrance d’une copie d’une décision de justice à un tiers, appelée l’open access. Cette seconde voie de communication existait déjà sous l’empire de la législation ancienne (par exemple, l'article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972). Une circulaire du 19 février 2019 relative à la communication des décisions judiciaires civiles et pénales aux tiers à l'instance, inspirée par un arrêt de la cour d’appel de Paris (Paris, pôle 2, ch. 1, 18 déc. 2018, n° 17/22211), dont la solution avait été reprise par la cour d’appel de Douai (Douai, 21 janvier 2019, n° 18/06657 ; B. Cassar, « Décisions de justice. Ne pas confondre open data et accès à une copie », Actualités du Droit, Wolter Kluwers, 2019, halshs-03126361f), prend bien soin de la distinguer de l’open data.

 

Open data : processus de publicité ou de diffusion des décisions de justice ?

Le principe de publicité des décisions de justice est consacré depuis bien longtemps dans notre droit positif, notamment par l'article 11-2 de la loi du 5 juillet 1972 ou par l’article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il se réalise tant par l’accès de tout citoyen aux salles d’audience, que par le prononcé public des décisions de justice, leur mise à disposition au greffe ou leur publication dans des recueils officiels ou jusqu’à présent sur des portails internet, tel que Légifrance. 

 

L’open data, qui permet à tout un chacun, et surtout à tout tiers à l’instance de se procurer une décision de justice, est sans influence sur la publicité même des décisions de justice. En revanche, il s’apparente bien à une forme nouvelle et élargie de diffusion des décisions de justice, qui ne sont désormais plus quérables.

 

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Cet article a été rédigé par l'équipe de rédaction du Blog Predictice.

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