Le 21 janvier dernier, le Conseil d'État a enjoint au Garde des Sceaux de fixer un calendrier pour l'open data des décisions de justice. C'est désormais chose faite. Mais il va falloir encore s'armer de patience...
La "saga" de l'open data des décisions de justice
Un nouveau rebondissement dans ce que nous pourrons désormais appeler la "saga de l'open data", tant les faux espoirs se sont multipliés depuis l'adoption de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui affirmait le principe pour la première fois.
En effet, l'arrêté du 28 avril 2021 pris en application de l'article 9 du décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives vient d'être adopté.
Pour ceux qui n'ont pas suivi tous les rebondissements de cette saga haletante, rappelons que trois ans après la loi pour une République numérique, l'open data était encore demeuré à l'état de voeu pieux. C'est pourquoi l'association Ouvre-Boîte, qui oeuvre pour la libération des documents de l'administration, confrontée au silence du Premier Ministre qu'elle avait pourtant sollicité, a initié une action en justice devant le Conseil d'État en avril 2019 dans l'espoir de mettre fin à la passivité du gouvernement.
À peine un mois auparavant, la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice avait été adoptée. Réaffirmant le principe de l'open data des décisions de justice, cette loi en pose les premiers grands principes.
L'association Ouvre-Boîte a néanmoins maintenu son action. Bien lui en a pris ! Car alors que la procédure était pendante, le décret d'application (décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à disposition du public des décisions de juridictions judiciaires et administratives) a enfin été adopté... renvoyant sa mise en oeuvre à des arrêtés !
Retrouvez l'intégralité de l'interview de l'association Ouvre-Boîte en cliquant sur ce lien 👉Open data : le Conseil d'État impose la fixation d'un calendrier
Comme le remarque le représentant de l'association, "le Ministère a mis presque quatre ans pour adopter le décret, nous ne pouvions pas attendre de nouveau quatre ans pour obtenir les arrêtés ! Nous avons donc redirigé nos conclusions vers l'obtention des arrêtés."
Il a fallu en effet attendre une décision du Conseil d'État, rendue le 21 janvier dernier, pour que le Garde des Sceaux publie... un calendrier de mise en oeuvre de l'open data des décisions de justice. Notons que le Conseil d'État avait accordé un délai de trois mois pour publier ce calendrier à compter de la notification de la décision. Il a bien fallu trois mois et pas un jour de moins, pour que le calendrier soit publié.
Pourquoi tant de réticences ? Selon le député Éric Bothorel, auteur du rapport intitulé "Pour une politique publique de la donnée", il existe des freins culturels et technologiques forts au sein même de l'État et qui s'opposent à l'ouverture des données.
Retrouvez l'intégralité de l'interview du député Éric Bothorel en cliquant sur ce lien 👉 Avec le Lawyer Cloud Act, Predictice va dans le bon sens
Le calendrier de l'open data
Néanmoins, les partisans de l'open data ne devraient pas se réjouir trop vite ! Car la feuille de route qui vient d'être dévoilée prévoit des délais encore bien longs.
Voici une synthèse des dates prévues :
Pour ceux qui trouvent ces délais trop longs, notamment pour les décisions des tribunaux judiciaires et pour la quasi-totalité de la jurisprudence pénale, qu'ils se rassurent : l'article 4 de l'arrêté prévoit une possibilité de mise à disposition anticipée pour les décisions relevant de contentieux présentant un intérêt public particulier.
Néanmoins, cet article prévoit également que la liste de ces décisions sera précisée par un arrêté du Ministre de la Justice, sans donner de date. Il faut bien que la saga de l'open data connaisse encore quelques rebondissements !
Les impatients devront donc se tourner vers les initiatives privées, comme le programme "100 000 décisions inédites", lancé par Predictice, qui vise à récolter et mutualiser des décisions de première instance.
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Docteure en droit et diplômée de l'Essec, Eloïse est rédactrice en chef du Blog Predictice.