Eric O’Donnell est Head of Legal Operations chez TotalEnergies. Il raconte les défis auxquels est confronté le service juridique d’une entreprise de cette envergure et comment Predictice l’aide à les surmonter.
En quoi consistent vos fonctions ?
Le Head of Legal Operations a pour fonction d'accompagner les juristes pour leur permettre de mieux répondre aux besoins commerciaux et opérationnels de l'entreprise. Il a également une seconde fonction, celle d'accompagner la fonction juridique elle-même, pour qu’elle réponde au mieux aux besoins des juristes. Le Head of Legal Operations est chargé de l'accompagnement institutionnel et de l'accompagnement professionnel des juristes eux-mêmes.
L'accompagnement des juristes comprend la formation, le knowledge management, ainsi que la recherche d'outils qui peuvent leur faire gagner du temps. Quant à l'accompagnement institutionnel, il consiste à s'occuper de questions de gouvernance et de finance, ainsi qu'à apporter une aide à la réflexion du directeur juridique en charge de déterminer la stratégie de la fonction juridique, en lui apportant des informations, par exemple sur les dépenses, le nombre de juristes ou encore la qualité de la formation.
Par exemple, chez TotalEnergies, nous sommes en transition car nous travaillons sur de nouveaux domaines. Il faut donc faire évoluer les juristes en leur apportant les formations dont ils ont besoin et en identifiant les compétences à développer pour l'intégration des nouvelles technologies. Enfin, il nous revient également d'établir le panel des avocats. Ainsi, nous venons de lancer notre appel d'offres pour le panel 2023 parce que le panel actuel est valable jusqu'à la fin de cette année. Pour cela, nous avons commencé à interroger les juristes sur leurs besoins en juillet 2021. Nous avons établi un questionnaire, puis obtenu les réponses après quinze jours ; nous avons ensuite monté des ateliers pour creuser les réponses, puis nous avons préparé le cahier des charges à faire valider. Nous avons lancé l’appel d’offres début février et nous avons reçu les réponses début mars. Actuellement, nous analysons les réponses avant les soutenances et, nous l’espérons, ferons un choix vers la fin du premier semestre de 2022.
Quels sont les nouveaux défis auxquels doivent faire face les professions juridiques ?
Le métier de juriste et d'avocat a beaucoup changé depuis dix-quinze ans et le rythme de changement s'accélère. Il est probable que dans cinq ans, il y aura eu autant de changements qu'il y en a eu dans les quinze dernières années !
Le droit fait partie de notre quotidien en tant qu'individu et en tant qu'entreprise. Or, il y a une question d'accessibilité du droit. Il est important que le droit ne soit pas réservé aux élites : les individus et les entreprises doivent pouvoir comprendre et exercer leurs droits, malgré le poids de la bureaucratie et la multiplication des règles.
Les juristes d’entreprises doivent intégrer les objectifs de l’entreprise dans un cadre juridique ; pour cela, ils doivent anticiper les points d'attention et de blocage en amont des dossiers afin de ne pas rester figée par la peur du risque. Il faut se préparer, en identifiant les domaines où il y a zéro tolérance, comme la conformité, le droit de la concurrence ainsi que les autres sujets sensibles liés à notre activité, comme l’environnement.
Il faut également anticiper les risques commerciaux : en effet, un mauvais partage des risques et des obligations dans un contrat, peut détruire la valeur de ce contrat pour les deux parties. Par exemple, si je suis déjà assuré pour le risque produit, mais que j'impose la couverture de ce risque à l'autre partie, cette dernière va prendre une assurance et me la faire payer. Je détruis ainsi de la valeur. En revanche, si je dis que je suis déjà assuré et que donc j'assume ce risque en l’intégrant dans le prix, je gagne en goodwill, je gagne du temps parce que je ne négocie pas une clause qui est de toute façon stérile. Finalement, tout le monde y gagne.
Enfin, le digital constitue évidemment un grand défi pour nous. C'est pour cela que nous utilisons des outils comme Predictice, qui accompagnent notre évolution et notre contribution à l'entreprise.
Précisément, pourquoi avez-vous choisi d’équiper vos équipes avec Predictice ?
Avec un accès rapide aux décisions de justice et l’utilisation d’intelligence artificielle pour des analyses plus précises, Predictice nous aide à comprendre le contexte juridique de nos affaires. Ainsi, nos avis peuvent être plus précis. Nous pouvons savoir ce que les juridictions ont décidé pour des faits d'espèce semblables, et adapter nos conseils en fonction des objectifs de l’entreprise.
Avec Predictice, l'information juridique est très accessible. Cela nous permet de placer nos positions dans un contexte plus large, même hors contentieux.
Le service juridique est-il désormais un service comme un autre ?
C'est une très grande question ! Je dirai oui et non.
Oui, c'est un service comme un autre, dans le sens où nous ne sommes pas un cabinet d'avocats à l'intérieur de l'entreprise. Nous faisons partie intégrante du processus de décision comme tous les autres services.
En revanche, nous sommes un peu différents car nous avons aussi le rôle spécifique de parfois dire « non », d’alerter sur les problèmes et d’avertir les autres services.
En France, nous ne sommes pas au même niveau que dans les pays anglo-saxons où le directeur juridique est intégré au Comex. Beaucoup de cadres dans une entreprise ont de lourdes responsabilités, où une erreur peut même mettre la vie de l’entreprise en péril. Toutefois, peu ont la vision et une responsabilité aussi large que le directeur Juridique, qui a de plus la compétence pour traiter le fond de l’ensemble des risques et les opportunités de l’entreprise. Cette vision à 360 degrés constitue la spécificité de notre service.
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Docteure en droit et diplômée de l'Essec, Eloïse est rédactrice en chef du Blog Predictice.