Les plateformes de transactions en ligne connaissent un grand essor. Grâce à des mesures spécifiques, l'administration fiscale peut les utiliser désormais pour la collecte d'informations.
Les plateformes de transactions en ligne ont un rôle d’intermédiaire organisant la vente de produits ou encore la fourniture d’un ou plusieurs services. Ces dernières années, ces dernières ont connu un véritable essor, accompagnant ainsi le mouvement de digitalisation de l’économie. Par le biais du marché des plateformes en ligne, les transactions sont considérablement facilitées, notamment dans le cadre de l’économie collaborative.
Ces transactions constituent très souvent des revenus imposables pour l’utilisateur. C’est la raison pour laquelle l’administration fiscale française a mis en place des mesures, afin de limiter les opérations frauduleuses, dont les plateformes en ligne constituent les acteurs principaux.
I. Le rôle des plateformes en ligne dans le cadre de la procédure du droit de communication
Afin d’assurer sa mission de contrôle fiscal et de récolter des informations, l’administration fiscale dispose de la possibilité de mettre en œuvre la procédure du droit de communication, prévu par l’article L81 du Livre des procédures fiscales.
Cette procédure accorde le droit à l’administration de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers. Les tiers visés sont définis de manière large : ce peut être des entreprises privées, d’autres administrations, des établissements et organismes divers, etc.
Il convient de préciser que seules les informations listées dans la demande de l’administration doivent obligatoirement être fournies.
Les plateformes de transactions en ligne sont donc visées par ce dispositif, ce qui signifie que l’administration peut leur demander des informations sur les transactions effectuées par ses utilisateurs.
Cela permet d’améliorer la transparence des opérations et d’identifier celles qui ont permis de générer des revenus imposables pour le contribuable visé par la demande et qui n’auraient pas été déclarées.
L’enjeu est important pour les plateformes de l’économie collaborative puisque, en principe, il n’y a aucune recherche de profit. C’est le cas, par exemple, du co-voiturage qui ne représente qu’un simple partage des frais liés au trajet. Or, même si aucune limite de prix en échange du trajet n’est posée par la plateforme intermédiaire, des profits peuvent être néanmoins réalisés, constituant ainsi des revenus imposables pour l’utilisateur, et donc le conducteur. Le rôle des plateformes est donc essentiel, car elles seules disposent de l’historique des transactions et sont en mesure de déterminer à quoi elles correspondent.
II. L’exploitation des données issues des plateformes du numérique
Lorsqu’un utilisateur s’inscrit sur une plateforme et souhaite effectuer une transaction, plusieurs données sont collectées par cette dernière, comme son identité, son adresse de résidence, ses données de contact ou encore ses données bancaires.
Depuis la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, les plateformes ont l’obligation de collecter des informations. Le contenu de ces informations diffère selon le statut de l'utilisateur. La loi distingue ainsi entre l'utilisateur personne physique n’agissant pas à titre professionnel, et l'utilisateur personne morale ou personne physique agissant à titre professionnel.
Pour les premiers, les informations collectées sont principalement le nom, les prénoms, l'adresse, le numéro de téléphone et les coordonnées bancaires.
Pour les seconds, sont collectés la raison sociale de la société ou de l’entreprise, le lieu de l’établissement, le numéro de TVA intracommunautaire ou à défaut son numéro d’identité et son adresse électronique.
La collecte de ces informations a pour vocation de permettre à l’administration de détecter les comportements frauduleux, par exemple une fausse domiciliation ou encore une activité occulte. En recoupant les informations de la plateforme avec les siennes, il est possible pour l’administration d’attribuer à un contribuable des revenus, même s'il a renseigné des informations erronées, comme par exemple une fausse identité.
C’est la raison pour laquelle la Loi de Finance pour 2020, en son article 154, a instauré un dispositif de collecte et de traitement des données rendues publiques par les utilisateurs des plateformes en ligne.
Ainsi, la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) sont autorisées, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à collecter et exploiter lesdites informations au moyen de traitements automatisés afin de rechercher les éventuelles infractions au Code général des impôts et au Code des douanes.
Ces données pourront bien évidemment être exploitées dans le cadre d’un contrôle fiscal. Là encore, l’importance du rôle de ces plateformes n’est pas à prouver.
Par ailleurs, l’OCDE a décidé de développer des règles en vue de faciliter l’obtention d’informations sur les utilisateurs par les différentes administrations fiscales, en sus des mesures nationales adoptées par certains pays. En effet, ces mesures connaissent des limites, notamment lorsque plusieurs administrations fiscales sont concernées. De plus, les coûts de compliance pour les plateformes, afin de respecter les différentes règles nationales de chaque juridiction où elle effectue des opérations, seraient particulièrement élevés.
La proposition de l’OCDE prévoit ainsi des règles communes pour tous les pays souhaitant y adhérer, un dispositif automatique d’échange d’informations entre les différentes administrations et le développement de solutions techniques pour soutenir à la fois l’échange d’informations et la mise en place d’obligations raisonnables de due-diligence pour les opérateurs des plateformes en ligne.
III. Les obligations déclaratives des plateformes en ligne
Avec la loi du 23 octobre 2018 précitée, les plateformes en ligne ont des obligations envers les utilisateurs (communication de certains éléments comme la raison sociale de la plateforme en ligne) mais aussi envers l’administration fiscale.
En effet, les plateformes ont désormais l’obligation d’adresser par voie électronique à l’administration fiscale les informations citées ci-dessus, pour les utilisateurs ayant perçu plus de 3 000 euros ou ayant effectué plus de 20 transactions. Sachant que l’administration peut demander ces informations à tout moment, il est fortement recommandé de tenir à jour un registre pour chaque utilisateur concerné. Ces informations doivent être transmises au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les informations ont été collectées.
Il convient de préciser que cette disposition ne s’applique pas au marché de l’économie collaborative.
Si les informations n’ont pas été collectées, la plateforme en ligne sera sanctionnée par une amende égale à 5% des sommes non déclarées. Si les informations sont erronées, la plateforme a la possibilité de les corriger jusqu’au 28 février de l’année concernée.
En conclusion, il semblerait que les plateformes de transactions en ligne soient devenues en quelque sorte les « bras droits de l’administration fiscale », puisqu'elles sont désormais des sources essentielles pour la collecte d'informations et par conséquence pour les contrôles.
Cédric Dubucq est avocat fondateur du cabinet BRUZZO DUBUCQ et spécialiste en Droit commercial et des affaires, ancien secrétaire de la conférence du stage et chargé d'enseignement au sein de la Faculté de Droit d’Aix Marseille. Acteur reconnu du secteur de la blockchain, il accompagne ses clients (dirigeants, PME/ETI/États) également en restructuring et en contentieux commercial.