Marcus Billam, associé chez Darrois, décrit comment il a réussi à s’imposer comme un des avocats des entreprises du CAC 40 : écoute, force de négociation, expérience…
Vous êtes associé chez Darrois Villey depuis 2015. Pourquoi avoir décidé de réintégrer le cabinet, après l’avoir quitté en 2000 ?
Première raison, il y a un sentiment très entrepreneurial dans ce cabinet, nous sommes très proches de nos clients, qui nous sont fidèles mais toujours à l'écoute de ce qui se passe sur le marché. Cette approche me tient beaucoup à cœur.
La deuxième raison, le cabinet a une particularité : nous confortons notre expérience en M&A par une expérience contentieuse. Or, cela est absolument indispensable, dans les grandes transactions aujourd'hui, il y a souvent un angle contentieux.
Enfin, je connaissais très bien le cabinet. Revenir là où l'on a débuté renforce un sentiment fort d'appartenance : j'avais l'impression de « revenir à la maison ».
Vous êtes réputé pour connaître parfaitement les rouages des entreprises du CAC 40. Comment avez-vous acquis ce savoir ?
Je ne suis pas sûr qu'on puisse dire de quiconque qu'il connaît « parfaitement les rouages des entreprises du CAC 40 ». C'est un peu la beauté de notre métier de ne pas connaître parfaitement les situations mais de devoir écouter, réfléchir et s’adapter pour pouvoir conseiller et accompagner. Mais c’est vrai, j'ai la chance de travailler avec un certain nombre d'entreprises du CAC 40, qui me font confiance ainsi qu’à mes associés et à nos équipes pour les conseiller lors de leurs opérations stratégiques.
L’expérience n’y est pas étrangère : quand vous avez vécu de nombreuses situations complexes, vous savez mieux appréhender la problématique des clients et celle de la partie adverse. Vous savez comment les présenter et vous adapter aux spécificités de chaque société.
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Quelles sont les qualités dont un avocat doit faire preuve lorsqu’il accompagne des entreprises aussi importantes ?
En toute humilité, je pense qu'il faut avant tout être à l'écoute de ses clients. C'est indispensable. Les clients sont différents les uns des autres. Ils ont souvent des attentes différentes.
Il faut également être à l'écoute des autres intervenants pour pouvoir bien accompagner ses clients. La bonne solution ou la moins mauvaise va émerger de la confrontation des avis. Il est donc important de ne pas avoir un avis tranché dès le départ, mais également de dire ce qu'on pense.
Il faut dire les choses tout en conservant à l’esprit que c’est le client qui décide et qui engage in fine sa responsabilité.
Il faut donc trouver l’équilibre, accompagner, conseiller, sans imposer son avis.
Tout ceci s'apprend avec l'expérience, grâce au fait d'avoir été confronté à de nombreux dossiers difficiles et complexes, « petits » ou « grands ».
Est-ce que les modes de communication avec les entreprises du CAC 40 sont spécifiques ? Comment fait-on pour bien comprendre les besoins de telles entreprises ?
On travaille souvent pour les mêmes clients qui sont fidèles et dont on connaît bien les problématiques et la manière dont ils souhaitent appréhender un sujet. En tant qu'avocat M&A, vous avez souvent affaire à des interlocuteurs réguliers : le président et le directeur général, le secrétaire général, le directeur juridique ou le directeur de la stratégie des fusions-acquisitions et le cas échéant le conseil d’administration. Ainsi, vous communiquez avec un nombre limité d'intervenants connus.
Quelle est l’affaire qui vous a le plus marqué ?
Je ne crois pas pouvoir dire qu'une affaire m'a particulièrement marqué. Il y en a plusieurs, pour des raisons différentes. Ça peut être une opération à l'étranger, dont l'enjeu reposait sur des problématiques juridiques différentes avec un aspect culturel non négligeable.
D’autres m’ont marqué par leur complexité technique ou parce que le rôle de l'avocat y était particulièrement prépondérant.
Pour citer quelques dossiers, il y a l’acquisition par Vivendi de l’opérateur télécom brésilien GVT qui a été extrêmement intéressante. La première bataille boursière au Brésil. Il y a aussi l'acquisition par Unibail de Westfield, dossier complexe et technique avec un jumelage de titres, directement et indirectement cotés sur plusieurs marchés.
D'autres dossiers parce que j'étais jeune, ou que le rôle de l'avocat y était absolument essentiel. Je pense au dossier de l’offre publique de Nestlé sur Perrier, sur lequel j'avais travaillé alors que j'étais jeune collaborateur et qui m'a énormément marqué.
Comment imaginez-vous la profession d’avocat dans dix ans ?
Les qualités qui sont aujourd'hui essentielles le seront également dans les années qui viennent. Même si l'on voit bien évidemment une certaine standardisation (là, je parle du M&A et du droit des affaires), et que l'intelligence artificielle est appelée à jouer un rôle de plus en plus important, les caractéristiques essentielles d'un avocat ne changeront pas. Il faudra, comme je l'ai dit, être proche de son client, comprendre ce qu'il recherche, ce qui est possible dans un contexte économique, politique, juridique, médiatique donné et tenir compte de la problématique de la partie adverse pour tenter de trouver une solution.
L'avocat doit être, comme je le dis souvent, un médecin de famille pour son client, par son écoute de toutes les parties et sa recherche de solutions acceptables.
Ainsi, je ne suis pas sûr que la profession devienne extrêmement différente pour des cabinets comme les nôtres, même si, à l’évidence la technicité plus grande du fait de la modernisation des outils jouera un rôle important.
Ce qui ressort de vos propos, c'est qu'un bon avocat doit faire preuve d'une grande intelligence humaine. On a l'impression que c'est au moins aussi important que le savoir-faire et la compétence juridique.
En effet. Pourquoi cela ? Essentiellement parce que nous avons affaire, dans tous les dossiers, à des individus, que ce soit votre client, la partie adverse ou les autres intervenants (banquiers, experts, magistrats, communicants…). Il est donc essentiel de comprendre la position des uns et des autres et la réaction possible des individus et des entreprises. N’est-ce pas la caractéristique de nombreux métiers ? Il n'y a pas que la compétence juridique. Elle est à l’évidence un prérequis.
Ce qui fait la différence - on l'apprend par l'âge et l'expérience - c'est comprendre et voir quelles sont les marges de manœuvre pour arriver à un résultat souhaité ou acceptable par le client.
Enfin, il faut le soutenir dans des moments difficiles parfois.
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Docteure en droit et diplômée de l'Essec, Eloïse est rédactrice en chef du Blog Predictice.