"Mon objectif, c'est de mener à terme l'opération pour mon client"

12 janvier 2022

4 min

Anne Toupenay Schueller
Anne Toupenay-Schueller, associée spécialisée en corporate et M&A chez Jeantet, partage son expérience et livre ses conseils aux jeunes avocates.

Vous êtes avocate, spécialisée en fusions-acquisitions et associée chez Jeantet. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier d’avocat ?

Ce que j’apprécie le plus, c'est l'accompagnement de mes clients. Cela commence par une première phase d'adaptation afin de bien appréhender le secteur d'activité du client. Chaque secteur économique a ses particularités, donc il est important de bien comprendre ses contraintes, ainsi que les défis du domaine dans lequel le client intervient. Cette phase permet d'adapter au mieux l'accompagnement juridique à la mission que le client nous confie.

Je suis spécialisée en corporate et M&A, j'accompagne donc les entreprises sur des opérations d'acquisition, de cession, de fusion d’entreprises ou encore des opérations de restructuration, de partenariat, de joint-venture. Mon objectif, en tant qu'avocate, c'est avant tout de mener à terme l'opération pour mon client. Cela nécessite parfois de trouver des solutions en cas d'achoppement sur des points durs de négociation.

Ce que j’apprécie également, c'est le travail en équipe. En effet, j'ai ma propre équipe spécialisée en corporate et M&A et nous travaillons tous les jours avec d'autres équipes au sein du cabinet, que ce soit en matière de droit du travail ou de fiscalité notamment. J'ai également réalisé un certain nombre d'opérations M&A dans le domaine des nouvelles technologies, de sorte que je travaille très régulièrement avec mon associé et son équipe spécialisée en Tech-IP/IT.

Travailler de façon transversale avec toutes ces équipes est extrêmement enrichissant. De plus, j'ai l'opportunité de collaborer aussi avec les équipes du client, car les dossiers que je traite nécessitent l'appui d'autres compétences. Je suis donc régulièrement en contact avec le directeur juridique bien évidemment, mais également le directeur M&A et le conseil financier.

 

L’intensité du travail d’avocat est souvent perçue comme un frein par les jeunes avocates, soucieuses de concilier leur vie professionnelle et leur vie privée. Quelle a été votre méthode pour les concilier ?

Cette question, tout le monde se la pose tout le temps, pas seulement les jeunes avocates, également les jeunes avocats. Pour ma part, je préfère parler d'équilibre plutôt que de conciliation.

À mon sens, il n'y a pas de recette magique, il revient à chacun de trouver ses propres outils, selon sa situation personnelle, selon ses ambitions professionnelles. L'essentiel, c'est de trouver cet équilibre selon des perceptions qui sont très personnelles.

Selon moi, la clé pour mener tout de front sans jamais renoncer à rien, c'est d'avoir une organisation millimétrée. Il faut également pouvoir compter sur des soutiens dans sa vie privée. Enfin, bénéficier d'une organisation en équipe fluide au sein du cabinet est également un atout pour arriver à trouver cet équilibre.

Nous avons un groupe au cabinet qui s'appelle Jeantet Femmes, au sein duquel les associées échangent avec les collaboratrices. Lorsque ce sujet est évoqué, notre objectif est alors de proposer une boîte à outils, car il n'y a pas un seul schéma possible. C'est à chacune de piocher les bons outils qui peuvent lui correspondre selon sa propre situation.

 

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Selon un article publié par le magazine Décideurs, en 2019, les femmes représentaient environ 38 % des associés et 64 % des collaborateurs. Comment interprétez-vous ces chiffres ?

Clairement, ce chiffre montre un réel décrochage qui existe depuis très longtemps. Nous essayons d'améliorer cette situation et de comprendre ses raisons pour trouver des solutions de rééquilibrage. Pour moi, la mixité est un levier de performance des cabinets.

Certaines femmes changent de voie volontairement et font évoluer leur carrière vers d'autres types de structure, ce que l'on peut tout à fait entendre. La question se pose pour celles qui ont envie de faire carrière et qui, finalement, n'osent pas ou pensent qu'elles seront confrontées à trop de difficultés sur le parcours avant d'arriver à l'association.

Être avocat, c'est un métier qui requiert une forte disponibilité et réactivité. Mais si une avocate a envie de poursuivre jusqu'à l'association, il faut savoir se lancer, s’investir et s'entourer pour y accéder.

 

 

Revenons à vous, votre parcours. Quelle est l’affaire qui vous a le plus marquée ?

Dans la mesure où j'ai une activité transactionnelle, je parle plus d'opérations que d'affaires. Je n'ai pas une seule opération en tête, mais parmi les opérations les plus marquantes figurent les opérations cross-borders, les opérations transfrontalières. Ce sont toujours des opérations enrichissantes parce qu'en plus de l'accompagnement juridique, il y a une phase en amont nécessaire pour expliquer à l'investisseur étranger notre système juridique, ses contraintes, la façon dont l'opération va se dérouler. Ces opérations imposent de faire preuve de beaucoup de pédagogie, en plus de l'accompagnement juridique classique.

Pour vous donner un exemple, lorsqu'un investisseur étranger souhaite acquérir une entreprise française qui est active dans un secteur qualifié comme sensible, la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers s'applique : il faut obtenir une autorisation préalable du ministère de l'Économie et des Finances, avant que l'investisseur étranger puisse prendre le contrôle de la société française.

C'est une réglementation que l’on retrouve dans de plus en plus de juridictions, mais qui n'existe pas dans tous les pays, et certains investisseurs sont étonnés d'être confrontés à ce type de règles. Il faut donc faire preuve de pédagogie, leur expliquer l'étendue de la réglementation, et négocier parfois certains engagements demandés par le ministère.

Lorsqu'on conseille un investisseur étranger qui n'est pas habitué à ces contraintes, l'accompagnement doit aller plus loin que le seul accompagnement juridique.

 

Comment imaginez-vous la profession d’avocat dans dix ans ?

Le premier point qui me vient à l'esprit, ce sont tous les outils d'intelligence artificielle qui sont maintenant mis à notre disposition. C'est une formidable opportunité pour les avocats. Si la plupart des projets sont encore en phase de test, nous nous rendons compte néanmoins de la façon dont, potentiellement, notre travail pourrait évoluer demain.

 

Quand la machine réalise tout le travail de recherche, et parfois même aussi de rédaction d'une première version de contrat, cela nous permet de nous focaliser sur la partie qui a la plus forte valeur ajoutée : l'analyse, la réflexion, la négociation. La prise de décision, elle, restera toujours entre nos mains.

 

En outre, les cabinets d’avocats pourraient également intégrer à l’avenir des structures pluridisciplinaires pouvant regrouper d'autres professions, comme les experts-comptables et les notaires, afin de devenir les business partners de nos clients sur l’ensemble de leurs problématiques.

Enfin, avec le développement du télétravail imposé par la pandémie, nous nous sommes rendu compte que l'activité de conseil peut très bien s'exercer à distance. Aujourd'hui, avec les outils informatiques adéquats, nous négocions et finalisons également les opérations de signing et de closing à distance, grâce à la signature électronique. Néanmoins, ces nouvelles habitudes de travail révèlent aussi parfois l’intérêt de pouvoir se réunir physiquement, car lorsque la réunion est en présentiel, il est plus facile de prendre le temps de finaliser un point de négociation, même si la réunion est censée être terminée. Ce n'est plus le cas avec les conférences téléphoniques, où à la fin, tout le monde raccroche pour rentrer dans une autre conférence téléphonique.

 

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Éloïse Haddad Mimoun

Docteure en droit et diplômée de l'Essec, Eloïse est rédactrice en chef du Blog Predictice.

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