Les nouvelles perspectives de l'assurance de protection juridique

21 juillet 2020

4 min

Patrick Bensegnor Protection juridique Axa Juridica
Patrick Bensegnor, Directeur Général de Juridica, l'entité dédiée à l'assurance de Protection Juridique d'AXA France, évoque les perspectives de ce secteur.

Vous êtes Directeur Général de Juridica. Pourriez-vous expliquer ce qu'est Juridica en quelques mots ?

Juridica est la filiale dédiée à l'assurance de Protection Juridique d'AXA France dans laquelle on retrouve toutes les activités d’une entreprise à part entière, depuis les ressources humaines, en passant par les juristes, les commerciaux ou les souscripteurs. Nous sommes 300 personnes au total. Les juristes sont au nombre d’environ 160, ce sont eux qui délivrent le service auprès de nos clients.

 

Nous réalisons plus de 160 000 informations juridiques à nos clients à l’oral : soit le client nous appelle et nous lui répondons directement, soit nous passons par un système de rendez-vous, soit le client nous pose les questions par écrit et nous y répondons à l’oral. À ce stade, nous n’avons pas le droit de délivrer du conseil, donc nous renseignons nos clients sur leurs droits et leurs obligations en général. Par exemple, nous pouvons expliquer la différence entre une SARL et une SA, mais nous ne pouvons pas leur conseiller d’adopter telle ou telle forme sociale. Plus d’une cinquantaine de juristes sont dédiés à cette activité. Parmi eux se trouvent également les juristes qui analysent les textes de droit, comme par exemple les ordonnances Covid-19, et diffusent l’information auprès de l’ensemble des juristes.

 

Nous avons ensuite une équipe de juristes qui intervient pour la résolution des litiges. Dès lors qu'un litige est avéré, nous sommes à même de délivrer des conseils juridiques. Ils regardent le contexte, les événements, les éléments objectifs, ils vérifient si le client est bien garanti, ce qui est le cas la plupart du temps. Parfois nous intervenons auprès des tiers, et menons des expertises si cela est nécessaire pour objectiver les dossiers. 80 juristes font partie de ce service, et l’équipe comprend aussi bien des généralistes que des spécialistes, en droit du travail, en dommage corporel, en droit international, en droit public, etc.

 

Puis il y a l’équipe de juristes en charge de la partie judiciaire : ils interviennent soit lorsque nous sommes dès le début appelés au contentieux, soit lorsque la procédure amiable a échoué. Nous payons les frais d’avocat, tout en respectant les montants de garantie. Nous nous occupons également de l’accompagnement de nos clients.

 

Quant à notre mode de fonctionnement, nous sommes une filiale. Par conséquent, nous sommes parfaitement neutres vis-à-vis d’AXA, notre maison-mère. Nous défendons les intérêts de notre client y compris lorsqu’il a un différend avec AXA. Même chose lorsque notre client a un litige avec un autre assureur.

 

Quelles sont les perspectives de croissance du marché de la protection juridique à l’horizon 2021 ?

Le marché de la protection juridique croît de 5 à 6% par an depuis plusieurs années en termes de chiffres d’affaires.

 

A priori, on devrait rester sur les mêmes eaux à l'avenir. Relativement peu de particuliers et de professionnels sont assurés en protection juridique. Moins de 30% du marché est équipé. C’est une assurance peu connue, mais lorsqu’on explique son principe à quelqu’un qui ne la connaît pas, il saisit très vite l’intérêt de ce qu’elle peut apporter. De plus, ce n’est pas très cher. Pour 6€50 par mois, un particulier peut avoir chez nous un premier niveau de contrat qui est très bien.

 

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De plus, il existe un besoin d’assurance de protection juridique. Pour les non-juristes, il y a un intérêt réel à pouvoir obtenir de l’information juridique : savoir si l’on est dans son droit, s’il est normal que les choses se passent ainsi. Par exemple, en ce moment, il y a des soucis à propos des voyages : est-ce qu’il est normal que mon voyagiste me propose un avoir et non un remboursement ? Nous répondons à un vrai besoin, qui est important.

 

Ainsi, au regard de ces trois éléments : faible taux d’équipement, besoin important et service pas cher, oui, il y a un potentiel de croissance pour les années à venir. Il est possible de tabler sur 5 à 6% de croissance.

 

Le décret relatif à l’open data des décisions de justice a été publié le 30 juin dernier. Il faut désormais s’attendre à un afflux de données sans précédent. Est-ce que cela vous conforte dans votre stratégie d’investir dans un outil de datavisualisation, comme Predictice ?

Le décret a été publié et Predictice aura accès à un plus grand nombre de décisions, ce qui va mécaniquement enrichir la base de données ; toutefois, à court terme, cela ne va pas engendrer pour nous de changement majeur.

 

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En revanche, compte tenu de la masse de données qui vont être accessibles, l’apport de la technologie et en particulier des algorithmes sera indispensable pour trier ou filtrer les décisions et les regrouper par thèmes. Cela devrait grandement faciliter la tâche du juriste qui pourra plus sûrement trouver les jurisprudences correspondant au cas qu’il doit traiter, en obtenir une analyse rapide, aussi bien sur les issues des dossiers que sur les sommes qui sont habituellement octroyées par les juges et que le client pourra légitimement espérer obtenir.

 

En tout état de cause, les acteurs traditionnels que nous sommes souhaitent anticiper et accompagner cette profonde évolution du marché du droit.

 

 

Pourquoi avez-vous choisi Predictice ?

Plusieurs raisons nous ont décidé de tester la solution. Le domaine du droit bouge énormément. Predictice est un outil ancré aussi bien dans le présent que dans l’avenir. À l’heure de l’open data, Predictice nous ouvre l’accès à des millions de décisions de justice pour nos recherches, et nous permet d’obtenir des éléments objectifs sur des questions précises.

 

En outre, il y a tout le volet statistique qui permet d'estimer les chances de succès, du recours envisagé… Pour nous, il s’agit d’une aide précieuse, qui permet à nos juristes d’aller plus loin dans la résolution de dossiers à l’amiable, et d’expliquer à nos clients quel chemin est le bon, quelle est la meilleure stratégie. 

 

Grâce aux éléments statistiques apportés par Predictice, nous avons des éléments objectifs que nous pouvons partager avec nos clients.

 

Ainsi, lorsqu’un client nous interroge sur les chances de succès de son affaire, Predictice nous donne la capacité de répondre de façon fondée, d’étayer ainsi notre savoir humain. Cela constitue une vraie plus-value.

 

Quels nouveaux défis la crise du coronavirus posent à votre secteur ?

En termes de volumétrie, après une baisse des sollicitations au début de la crise, nous devons à présent faire face à une hausse très importante. Nous sommes très sollicités pour délivrer des informations juridiques, et nous avons fait oeuvre de pédagogie à travers des outils digitaux afin de donner des informations générales : comment faire appel à une aide d’État par exemple ?

 

En ce qui concerne les particuliers, le premier sujet d'inquiétude porte sur les annulations : de voyage, d’événements, de mariage… Les achats sur Internet sont également en croissance et les litiges avec les fournisseurs augmentent constamment. Nous avons été très sollicités en droit du travail, aussi bien par des salariés que des employeurs.

 

De plus, les tribunaux ont été fermés pendant de longs mois. Nous avons informé nos clients de cette situation, et mis en avant les possibilités de résolution amiable. Il a fallu cerner au plus près les besoins des clients, à cause des procédures judiciaires devenues plus complexes.

 

Le développement des modes alternatifs de résolution des différends est encore incertain, malgré la loi de programmation. En effet, malgré les textes, des incertitudes demeurent sur les pratiques. Certaines juridictions ne prennent pas les mêmes orientations, pour des faits qui sont parfois très proches. Lorsqu’on parle avec différentes professions du droit, on se rend compte que c’est un terrain qui est en train d’être découvert. En tant qu’assureur, c’est à nous de mettre en avant le travail de nos propres juristes qui cherchent par eux-mêmes des voies de résolution amiable. Si l’action menée n’aboutit pas, alors la médiation peut avoir un rôle. C’est toujours préférable à la procédure contentieuse, aussi bien en termes de délais que d’un point de vue économique.

 

La numérisation progressive des tribunaux est également quelque chose qu’on suit de près car elle peut fortement impacter l’activité, d’une façon positive.

 

Le travail des legaltech nous apporte également plein d’outils et de solutions qui améliorent nos métiers. Vos outils d’analyse sont très puissants par rapport à nos propres outils. Vous pouvez analyser des millions décisions, vous pourrez également analyser nos dossiers.

 

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La protection juridique est un secteur qui évolue constamment. L’évolution est impressionnante depuis 20 ans, et cela va continuer.

 

Les legaltech apportent de la transparence là où il y a besoin de repères.

 

Le justiciable apprécie le fait de savoir à quels frais il s’expose, ce qui est bien compréhensible, il demande plus de visibilité. Par ailleurs, d’autres domaines que le droit ont su développer des services forfaitisés et les Français se sont habitués à consommer de cette façon. L'intervention des legaltech permet d'apporter plus transparence et de visibilité, et répond à un désir fort des clients.

 

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Éloïse Haddad Mimoun

Docteure en droit et diplômée de l'Essec, Eloïse est rédactrice en chef du Blog Predictice.

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