Sanctions d’une sous-location interdite : résiliation et restitution

10 octobre 2022

4 min

Sous-location interdite Airbnb
La sous-location prohibée d’un logement conventionné peut être sanctionnée par la résiliation du bail et la restitution des sous-loyers perçus (Cass. civ. 3e, 22 juin 2022, n°21-18612)

 

Dans l’espèce commentée, un logement conventionné a fait l’objet d’un bail d’habitation, interdisant la sous location. Ultérieurement, le bailleur social a reproché au locataire de sous-louer une partie de son logement sur une plate-forme en ligne bien connue.

 

Sur ce fondement, il a donc sollicité la résiliation du bail, demande à laquelle les premiers juges ont fait droit.

 

Néanmoins, à la demande du locataire, la Cour d’appel a rejeté la demande du bailleur en résiliation du bail et condamné la locataire à restituer au bailleur une fraction des sous-loyers perçus, à savoir la différence entre les loyers déjà perçus par le bailleur et les sous-loyers.

 

Pour arriver à cette conclusion, les juges d’appel ont estimé que les violations du locataire n’ont pas un caractère de gravité suffisant pour justifier de la résiliation de son bail.

 

LIRE LA DÉCISION >> Cour d'appel de Paris, 23 mars 2021, n° 18/14932

 

Le 22 juin 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel.

 

Résiliation du bail et appréciation de la gravité de la faute

En premier lieu, l’arrêt d’appel est sanctionné pour défaut de base légale sur le fondement des articles 1728 et 1729 du Code civil et R. 353-37 du Code de la construction et de l’habitation.

 

La Cour estime que les premiers juges n’ont pas apprécié, comme il leur était demandé, « la gravité de la faute au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l’interdiction légale de sous-louer et d’un changement de destination des locaux susceptible d’être caractérisé par l’utilisation répétée et lucrative d’une partie du logement conventionné ».

 

Il sera rappelé qu’en matière de résiliation de bail, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la gravité de la faute afin de s’assurer qu’elle justifie l’application de cette sanction radicale : l’anéantissement du bail.

 

Ce caractère de gravité a pu être apprécié au regard :

 

  • des revenus générés par les sous-locations litigieuses (par exemple Cour d’appel de Paris 2 juillet 2019, n°17/04781) ;
  • de la récurrence des sous-locations litigieuses (par exemple Tribunal d’instance de Paris 20ème arrondissement, 31 mars 2017, n°11-16-000748) ;
  • de la surface objet desdites sous-location.

 

En se fondant sur ces éléments, les juges d’appel ont estimé que la gravité de la faute de la locataire ne justifiait pas la résiliation du bail en ce qu’elle avait des récurrences limitées (environ trois locations et demi par mois), ne portait pas sur l’entier logement qui restait occupé par la locataire (seule une chambre était louée) et que cette dernière n’avait pas été mise en demeure par le bailleur de cesser la sous-location litigieuse.

 

La Cour sanctionne les juges d’appel en ce qu’il n’ont pas pris en compte dans leur appréciation le fait que l’appartement objet de la sous-location litigieuse était un logement conventionné.

 

Pour les conseillers, il résulte du caractère conventionné :

 

 

Sur le dernier point retenu par la Cour d’appel, à savoir l’absence de mise en demeure par le bailleur préalablement à la résiliation judiciaire, il sera rappelé qu’à l’exception des cas où un texte l’exige expressément, la jurisprudence ne l’érige pas en condition de recevabilité de l’action en résiliation du bail (par exemple sur la caractère suffisant d’un acte introductif d’instance, Cour de cassation, 1ère chambre civile, 23 janvier 2001, pourvoi n°98-22.760)

 

Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante, la Cour considère que la sanction pécuniaire de la sous-location illégale est la restitution des sous-loyers perçus.

 

LIRE LA DÉCISION >> Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 22 juin 2022, n° 21-18.612

 

Restitution de l’intégralité des sous-loyers perçus

Sur le second moyen les juges d’appel sont sanctionnés par la Cour pour violation des articles 548 et 549 du Code civil relatifs au fruits civils et au droit d’accession.

 

La Cour rappelle que les sous-loyers perçus constituent des fruits civils. En application de la théorie de l’accession, ces fruits reviennent au bailleur-propriétaire.

 

Il s’agit d’un rappel de sa jurisprudence antérieure, largement diffusée et commentée (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 12 septembre 2019, pourvoi n°18-20.727).

 

En outre, en application des textes précités, seul le possesseur de bonne foi pourrait prétendre à ces fruits civils.

 

Dans l’arrêt commenté, il ressort que le locataire était auteur d’une sous-location interdite ; l’article R. 353-37 du Code de la construction et de l’habitation précité interdisant expressément la sous-location des logements conventionnés.

 

Il en résulte que le locataire auteur de la sous-location litigieuse ne pouvait donc être de bonne foi.

 

Par conséquent l’intégralité des sous-loyers illégalement perçus par le locataire doivent être restitués au bailleur.

 

Reposant sur la théorie de l’accession et non un régime de responsabilité, cette sanction de la sous location est particulièrement efficace, puisque le bailleur n’a pas à établir l’existence d’un préjudice résultant de la sous-location illicite ni à le chiffrer.

 

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Olga Tokareva

Avocat indépendant, Maître Olga Tokareva conseille et assiste tous les acteurs du droit immobilier et de la construction dans les multiples aspects de ces domaines, tant en conseil qu’en contentieux.

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