En matière familiale, les conflits peuvent être destructeurs. Magistrats et avocats doivent privilégier le dialogue pour tenter de les apaiser, y compris lorsque la procédure a déjà été enclenchée.
Le rôle des magistrats dans la pacification des litiges familiaux
À la question « quel est le rôle d’un juge ? », il est fréquent d’entendre répondre avec un air d’évidence : « Trancher un litige en droit ! ». En effet, il appartient au juge de trancher « le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » (article 12 du Code de procédure civile).
Néanmoins, l’article 12 du Code de procédure civile n’épuise pas l’office du juge ; en effet, l’article 21 du même code dispose : « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties ». Cette mission est fondamentale car le jugement n’est pas une fin en soi, au regard de la finalité ultime de la justice : rétablir la paix sociale. Or, pour atteindre ce but, il existe un autre moyen, plus difficile mais plus efficace : concilier les parties.
En mars 2021, rapport de la Cour d’appel de Paris a estimé « indispensable » de développer les modes amiables de règlement des différends, soulignant que « la décision judiciaire est rarement dotée d’une vertu pacificatrice parce qu’au cours de la procédure les positions des parties se seront souvent radicalisées ».
Un important rapport de la Cour de cassation rendu public le 7 juillet 2021 s’inscrit dans ce même mouvement. Il fait, notamment, valoir que les modes amiables de règlement des différends (MARD) offrent « aux parties la possibilité de s’exprimer dans un cadre souple, souvent plus propice à la désescalade du conflit que celui proposé par l’enceinte judiciaire ».
Cette mission de pacification est encore plus nécessaire en matière familiale, pour laquelle le Code de procédure civile comporte, en son article 1071, une disposition spécifique : « le juge aux affaires familiales a pour mission de tenter de concilier les parties ».
Même lorsqu’ils ordonnent une médiation familiale post-sententielle, les magistrats font souvent œuvre d’une grande pédagogie comme l’illustrent les deux décisions ci-dessous :
« La médiation familiale permet d’aider les personnes en situation de séparation, à rétablir une communication afin de trouver des accords tenant compte des attentes et des besoins de chacun, et particulièrement ceux des enfants dans un esprit de co-responsabilité parentale.
Elle constitue un lieu de parole privilégié pour comprendre et apaiser le conflit, instaurer une compréhension et une confiance mutuelle et dès lors, trouver des solutions concrètes tant sur le plan de l’organisation familiale que sur le plan financier. Elle permet le rétablissement d’un climat de coopération et de respect, par chaque parent, de la place de l’autre auprès de l’enfant.
En l’espèce, la mise en place d’un nouveau mode de garde d’X implique que les parents repensent leurs modes de communication et la place et le rôle de chacun dans la vie quotidienne d’X. En conséquence, et afin de les aider dans cette démarche, il sera ordonné une mesure de médiation » (TGI Paris, JAF, sect. 3 cab. 2, 2 mars 2017, n° 17/33679).
LIRE LA DÉCISION >> TGI Paris, JAF, sect. 3 cab. 2, 2 mars 2017, n° 17/33679
« Il convient cependant dans ce contexte, alors qu'il ressort de l'audition de l’enfant que des ajustements du rythme de l'alternance peuvent se justifier en considération des besoins et aspirations des enfants qu'une décision de justice ne peut fixer car ces assouplissements d'exercice doivent pouvoir varier au gré des besoins exprimés, d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial étant rappelé que cette injonction s'impose à elles, même si les parties conservent la possibilité de choisir ou non, à l'issue, de s'engager dans un travail de médiation familiale. En effet le processus de médiation peut permettre à chacun des parents d'entendre la perception de l'autre, de comprendre sa réaction, de se réapproprier le caractère conjoint de l'exercice l'autorité parentale dans l'intérêt de leurs enfants et les inviter ainsi à élaborer eux-mêmes un mode de relations et des décisions adaptés aux tempéraments et vécus de chaque partie et de leurs enfants ».
LIRE LA DÉCISION >> CA de Bordeaux, 4 novembre 2021, n° RG 19/00828
Si les magistrats ont le devoir de rétablir la paix sociale en aidant les parties à trouver une entente, les avocats ont également un rôle spécifique à jouer dans ce travail de conciliation.
Le rôle des avocats dans la pacification des litiges familiaux
Dans leur mission de rétablissement de la paix sociale, les juridictions doivent naturellement s’appuyer sur l’avocat, sorte de « pompier du droit » qui va éteindre, par toutes les solutions possibles, l’incendie du conflit. Ainsi, le code de déontologie de l’avocat lui demande d’envisager avec ses clients la possibilité de résoudre leurs différends par le recours aux MARD préalablement à toute introduction d’une action en justice ou au cours de celle-ci.
La crise sanitaire a exacerbé les tensions familiales et fait surgir des questions inédites. La justice familiale, qui souffre d’un manque criant de moyens humains et financiers, peine à apporter, dans des délais raisonnables, une réponse aux trop nombreux litiges dont elle est saisie. Nombreux sont les enfants et les adultes qui expriment leur lassitude et leurs tourments face aux solutions conflictuelles qui ne répondront pas forcément, et parfois même pas du tout, à leurs besoins.
Depuis quelques années, certains avocats se sont formés afin d’adapter leur pratique au développement des processus amiables, encouragés par l’adoption de la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, relative à la modernisation de la justice du 21e siècle. Par leurs méthodes, ils proposent des solutions créatives et personnalisées, sortant ainsi d’un schéma guerrier pour travailler en équipe (les deux avocats et chacune des parties, sans la robe noire), autour d’une table et non plus dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Bien au-delà de l’objectif de désengagement des tribunaux, les avocats ainsi formés sont en mesure d’offrir aux justiciables la chance d’envisager d’autres méthodes de sortie du conflit, plus pérennes, plus respectueuses de chacun, des patrimoines et des intérêts divers et moins onéreuses.
Néanmoins, des progrès sont encore envisageables en France, pays encore trop marqué par la culture du conflit.
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Barbara REGENT est avocate en droit de la famille et droit du travail. Médiatrice, elle a co-fondé les associations à but non lucratif HUMANETHIC, les ELLES DU BUSINESS, les AVOCATS DE LA PAIX et co-dirige des CLEFS DE LA PAIX, société de comédiation. Elle est très investie dans la diffusion des modes de résolutions amiables des différends.