Le Conseil d’État vient de rendre une décision qui réintègre l’avocat comme « conseil en RH ». Pour mieux la comprendre, Claire Abate du cabinet AC Legal avocat a accepté de répondre à nos questions.
Pouvez-vous expliquer en quelques mots le sens et la portée de cette décision par le Conseil d’État s’il vous plaît ?
Par une instruction du 4 juin 2020, le ministère du travail a mis en place un dispositif permettant aux TPE/PME de bénéficier d’un accompagnement en matière de « conseil en ressources humaines ». L’avantage de ces prestations est qu’elles étaient cofinancées par l’État soit par l’intermédiaire de la DRIEETS soit par l’intermédiaire de l’OPCO et potentiellement par les deux organismes. Il y avait dans cette instruction une mention expresse qui excluait de but en blanc les avocats des prestataires pouvant faire bénéficier les TPE/PME de tous ces conseils en ressources humaines.
Le conseil national des barreaux a intenté une action devant le Conseil d’État et a demandé que cette mention soit annulée pour excès de pouvoir. Le Conseil d'État a fait droit à la demande du CNB en mettant en évidence que cette instruction contredisait le principe essentiel de libre concurrence. En effet, ce principe de libre concurrence garantit le libre exercice des activités économiques et protège les concurrents contre les interventions de l’État.
En l’espèce, il y avait bien une intervention de l’État qui excluait les avocats de la catégorie des prestataires de conseil en ressources humaines aux TPE/PME. Le conseil d’État a donc annulé partiellement l’instruction du ministère du travail en supprimant la mention relative aux avocats. Les cabinets d’avocats peuvent donc être des prestataires de conseil en ressources humaines et faire bénéficier leurs clients ou prospects de cet accompagnement cofinancé par l’État.
LIRE LA DECISION >> Conseil d'État, 26 avril 2022, n° 453192
Pensez-vous que l’avocat peut être un GRH comme un autre ?
L'avocat a pour activité principale le conseil juridique aux entreprises, tandis que pour le GRH, cette activité est accessoire et non principale. L'avocat a des connaissances juridiques pointues et actualisées grâce aux bases de données qu'il peut utiliser dans sa pratique, mais pour autant, il n’est pas qu’un simple juriste. On le voit de plus en plus notamment lorsque l’on parle de « l'avocat augmenté ».
Aujourd'hui, l’avocat complète sa formation et délivre également des conseils opérationnels pour aider les chefs d'entreprise à prendre des décisions qui sont éclairées tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue RH.
La faculté ne forme pas des spécialistes du droit social qui ne connaissent que cette matière, elle fournit un bagage plus large avec des connaissances poussées en droit des affaires, en droit commercial et fiscal, en propriété intellectuelle…
Si je prends mon cas personnel, j’ai fait un Master en ressources humaines à Paris Dauphine que j’ai complété avec un certificat en relations sociales, notamment pour aider mes clients au niveau du dialogue social, et je suis actuellement une formation à l’Essec sur la gouvernance. L’avocat n’a pas que la casquette juridique, il a évolué et a su s'adapter à l'entreprise pour l'aider sur des problématiques bien plus larges. Il a ainsi une approche transverse de l'entreprise qui ne se limite pas au droit social et il peut aider les chefs d'entreprise dans leur réflexion sur les sujets RH.
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Par ailleurs, on se rend compte que le droit prend de plus en plus de place dans le monde actuel et qu'une erreur juridique peut coûter très cher à l'entreprise. L’avocat maîtrise la loi Sapin II, le devoir de vigilance et la compliance.
L’avocat n'est donc pas un GRH comme un autre. Il a une approche plus transverse et plus large, qui lui permet de mieux répondre aux questions des chefs d'entreprise.
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Juriste et entrepreneur, Pierre-Florian est rédacteur pour le Blog Predictice.