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Déséquilibre significatif dans les contrats avec les développeurs (T. com. Paris, 28 mars 2022, Ministre de l'économie c/ Google, n° 2018017655)
Par un jugement en date du 28 mars 2022, le Tribunal de commerce de Paris a condamné Google au paiement d’une amende civile de 2.000.000 euros pour la présence de clauses déséquilibrées dans ses contrats d’adhésion à destination des développeurs qui souhaitent proposer leurs produits sur Google Play.
Ce jugement fait suite à l’action du ministre de l’Économie qui en février 2018, avait assigné plusieurs entités juridiques de Google (ayant leurs sièges sociaux aux USA, en Irlande et en France) devant le tribunal de commerce de Paris. Le ministre après enquête considérait que sept clauses de ses contrats traduisaient un déséquilibre significatif au sens de l’article L 442-6 2° du Code de commerce.
LIRE LE JUGEMENT >> T. com. Paris, 28 mars 2022, Ministre de l'économie c/ Google, n° 2018017655
En premier lieu, le Tribunal de commerce de Paris rappelle que l’analyse du déséquilibre significatif doit être « menée en fonction d’une analyse globale in concreto de l’économie du contrat et du contexte dans lequel il est conclu », puis précise que l’analyse ne peut se faire « clause par clause ».
Dans les faits, la juridiction constate la contrainte du moteur de recherche sur les développeurs. Le jugement identifie la soumission en raison de la place de leader de Google (78 % des parts de marché des systèmes d’exploitation mobile dans le monde et 65 % en France) et du rapport de force économiquement déséquilibré entre les parties, les développeurs ne pouvant se permettre de ne pas proposer leurs produits sur Google Play sauf à perdre une clientèle considérable.
En second lieu, le Tribunal condamne Google après analyse de sept clauses litigieuses de son contrat d’adhésion. Il constate « la gravité des pratiques », condamnables per se, qui portent une atteinte à la loyauté des relations commerciales et créent un dommage à l’économie.
Les clauses sanctionnées sont les suivantes :
- La perception par Google d’une commission de 30 % sur chaque vente réalisée sur le Play Store (Google Play). Le Tribunal note que Google ne fournit aucune véritable justification sur la fourchette de prix imposée par Google (entre 0,50 et 350 euros) alors qu’elle ne supporte aucun risque financier lié au développement des applications. Le tribunal considère que le déséquilibre significatif peut résulter d'une inadéquation du prix au service, caractérisé en l'espèce dès lors que le taux de la commission prélevée par Google caractérise une asymétrie entre les parties que Google ne peut justifier.
- La faculté de modification unilatérale du contrat par Google : la menace de résiliation immédiate conduit, pour le Tribunal, n'importe quel développeur à accepter les modifications même si elles lui sont défavorables, puisqu'aucun véritable recours ne lui est ouvert.
- La faculté de suspension unilatérale du contrat, Google pouvant à sa seule discrétion retirer le produit du store ou l’exclure sans aucune information a priori donnée au développeur.
- Les conditions de résiliation asymétriques du contrat : l'article 10 des contrats permettait à Google de résilier immédiatement le contrat alors que le développeur devrait respecter un délai de 30 jours.
- Les conditions posées pour la confidentialité des informations et leur utilisation au seul bénéfice de Google : le tribunal relève qu'il est déséquilibré de prévoir que Google s'accorde la possibilité de divulguer gratuitement et librement des informations auprès de tiers, alors que les développeurs sont privés de tout contrôle sur la portée de cette collecte d'informations.
- Les signes distinctifs des parties : l'article 6 des contrats en cause contraint les développeurs à accorder gratuitement à Google une licence lui permettant d'afficher leurs signes distinctifs pendant la durée du contrat, selon son bon vouloir, l'inverse n'étant pas vrai.
- Les exclusions de garantie et de responsabilité de Google : ces dispositions privent les développeurs de toute action et traduisent également un déséquilibre dans les droits et obligations des parties, Google ne démontrant pas qu'une autre clause des contrats viendrait les rééquilibrer.
In fine, le tribunal ordonne aux sociétés Google de cesser pour l'avenir toute pratique consistant à faire figurer les clauses litigieuses sans prononcer d’astreinte (une partie des clauses n’étant plus en vigueur) mais ordonne la modification des contrats avec exécution provisoire. Après Booking (TC Paris 29 novembre 2016, Concurrences n° 1-2017, Art. n° 83199, M. Chagny) et Amazon (TC Paris 2 septembre 2019, Concurrences n° 04/2019, art. n° 92258, pp. 114-118, J.-L. Fourgoux), le tribunal de commerce de Paris, à l’initiative du ministre de l’Économie, donne un signal fort aux géants internationaux sur la nécessité de prévoir des conditions contractuelles plus équilibrées, moins opaques et symétriques !
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