"L'intelligence artificielle est aujourd’hui sous-utilisée dans la profession d'avocat"

21 novembre 2023

2 min

Olivier Lopez du cabinet Squair nous parle de sa vision de l'intelligence artificielle générative.
Le 26 mai 2023, Predictice lançait la fonctionnalité Assistant. Après quelques mois d’utilisation, Olivier Lopez, avocat associé au sein du cabinet Squair, nous explique sa vision de l'intelligence artificielle générative au service des professionnels du droit.

 

Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Je suis avocat depuis vingt ans en fusions-acquisitions, private equity et venture capital. J'avais une douzaine d'années lorsque j'ai commencé à être attiré par le monde des affaires puis, quelques années plus tard, j'ai commencé à m'intéresser à la profession d'avocat, à laquelle j'étais pourtant totalement étranger : je suis issu d'un famille modeste dans laquelle il n'y a aucun avocat !

 

J'ai effectué mes études de droit à Toulouse et Montpellier, puis j'ai rejoint Paris en 2002 pour intégrer l'école du barreau et réaliser mon premier stage en cabinet. J'ai essentiellement réalisé des stages en fusions-acquisitions (chez Arthur Andersen, EY et BNP Paribas) puis j'ai intégré Norton Rose Fullbright comme collaborateur en 2004 et y suis resté jusqu'en 2006, date à laquelle j'ai rejoint Willkie Far & Gallagher. En parallèle de ma collaboration dans ce dernier cabinet, j'ai obtenu un MBA de l'Université de Chicago, en finance, comptabilité et management des organisations.


En 2013, je suis devenu associé co-gérant du cabinet Ydès, au sein duquel je suis resté deux ans. J'étais le benjamin des associés, avec la particularité de ne pas être monté en interne. J'avais beaucoup d'envies, de projets et j'ai probablement voulu aller trop vite. J'ai alors rejoint en 2015 le bureau parisien du cabinet américain Cohen & Gresser, qui venait d'ouvrir et semblait me correspondre davantage en termes de projet d'entreprise et de culture.


Fin 2016, j'ai décidé de me lancer et de créer mon cabinet, "Tomorrow's lawyers" du nom du livre de Richard Susskind qui m'avait beaucoup inspiré l'année précédente. J'avais à cœur d'y développer les quatre piliers du cabinet de l'avenir, tels qu'identifiés dans ce livre :

  • relation avec les clients : moins de hourly fees, davantage de fix fees ou de value fees. J'ai commencé à proposer aux clients différents modes de rémunération, notamment un taux horaire plafonné (autrement dit un forfait ajustable à la baisse), ce qui semblait correspondre davantage à leur attentes ;
  • relation avec les collaborateurs : favoriser leur souhait d'être rémunérés à la hauteur de leur implication pour le cabinet. J'ai alors essayé de mettre en place un modèle de fonctionnement et de rémunération innovants avec mes collaboratrices pour répondre à leur besoin légitime de transparence et de proportionnalité par rapport à leur travail ;
  • relation entre associés : je n'avais pas d'associé à l'époque et n'ai eu l'occasion d'approfondir ce pilier qu'ultérieurement, lors de la création de Squair ;
  • technologie : compte tenu des ressources humaines limitées dont je disposais et de mon ambition de faire du mid-cap, j'ai rapidement cherché des solutions technologiques me permettant d'être équipé pour les besoins du cabinet en matière de due diligence, notamment.

 

En 2018, j'ai rencontré Damien Gorse et nous avons très rapidement voulu nous associer : c'est ainsi qu'en 2019 est né Squair, cabinet dans lequel nous avons eu à cœur de développer les quatre piliers et, en particulier, d'établir des règles novatrices de fonctionnement entre associés. 

Notre objectif était de créer un cabinet dans lequel il fait bon travailler, au sein duquel les avocats peuvent gérer de façon autonome leur activité, leur chiffre d'affaires, leur rythme ; en un mot : avoir une liberté totale dans la façon d'exercer et d'articuler leur vie professionnelle avec leur vie personnelle.

Le développement de relations saines entre les associés exigeait alors de supprimer tous les sujets « politiques » : la rémunération et l'utilisation des ressources du cabinet sont ainsi strictement égalitaires pour tous les associés.

 

Quelle utilisation faisiez-vous de l'intelligence artificielle avant l'arrivée d'Assistant sur le marché ?

En créant Tomorrow's lawyers en 2016, puis Squair en 2019, j'étais déjà déterminé à introduire la technologie à tous les niveaux du quotidien d’un avocat :

  • back office : KYC, time sheet, facturation ;
  • middle office : gestion des prospects et des clients (CRM) ;
  • front office : on peut à cet égard identifier trois principales fonctions, à savoir (i) la lecture, pour laquelle l'intelligence artificielle a déjà été développée depuis quelques années avec, par exemple, des outils de recherche et d'analyse juridiques tels que Predictice, (ii) l'écriture, fonction sur laquelle l'intelligence artificielle n'était pas encore développée à l'époque mais qui émerge récemment avec des outils comme Assistant et (iii) l'expression orale, au service de laquelle les outils de visio-conférence ont déjà bien investi le marché.

 

L'intelligence artificielle est aujourd’hui sous-utilisée dans la profession en général, peut-être un peu moins chez Squair, mais nous sommes encore loin du niveau d'utilisation que je souhaite atteindre au cabinet !

 

Vous avez fait partie des bêta-testeurs d'Assistant. Qu'est-ce qui vous a séduit ?

Notre besoin en termes d'assistance technologique était jusqu'à présent satisfait, à l'exception de ce qui a trait à la fonction d'écriture, sur laquelle l'intelligence artificielle n'était, jusqu'à récemment, pas suffisamment développée alors que c'est l'activité à laquelle nous consacrons, en tant qu'avocat, le plus de temps.

 

Assistant est une intelligence artificielle qui permet d'assister l'avocat dans la rédaction de mémos, de contrats, de conclusions et d'emails. La fonctionnalité nous a séduits à un double titre :

  • Assistant fait levier sur le moteur de recherche que Predictice a déjà développé : Predictice propose donc aux avocats (1) l'intelligence artificielle qui comprend et répond à leurs questions, ainsi que (2) la base de données dans laquelle Assistant pioche pour apporter des réponses pertinentes ;
  • Assistant peut s'appuyer à la fois sur la documentation juridique externe disponible sur Predictice et sur la base de documentation interne du cabinet. Ce point est vraiment capital et cela faisait déjà quelques années que nous essayions de trouver ou développer un outil permettant d'exploiter notre base interne de précédents : on sait bien qu'un avocat ne part jamais d'une page blanche pour rédiger et qu'il capitalise au contraire sur l'expérience qu'il a déjà acquise et qui constitue sa base de connaissances. Arriver, au sein d'un cabinet composé de nombreux avocats, à mutualiser et exploiter une base de précédents est l'une des forces des grands cabinets.

 

Assistant peut à la fois s'appuyer sur la documentation juridique externe disponible sur Predictice, et sur la base de documentation interne du cabinet. Ce point est vraiment capital.

 

Quel usage faites-vous d'Assistant aujourd'hui ?

Assistant est une fonctionnalité très appréciée au sein du cabinet, en particulier par nos équipes en conseil pour rédiger des contrats et mémos. Nos équipes en contentieux l'utilisent également pour la recherche jurisprudentielle.

 

Quelle est votre stratégie actuelle quant à l'utilisation de l’intelligence artificielle dans votre cabinet ? 

Nous vivons actuellement un réel changement de paradigme, une rupture technologique immense : un ordinateur peut réaliser, grâce à l'intelligence artificielle, des tâches qui ne demandent pas une expertise extraordinaire mais qui sont suffisamment sophistiquées pour qu'on les ait traditionnellement confiées à des stagiaires ou de très jeunes collaborateurs. 

 

Pour plusieurs raisons, principalement le bien-être et les perspectives d'évolution des collaborateurs, chez Squair nous demandons à nos associés de moins faire levier sur l'humain et plus sur la technologie. Une autre raison du faible ratio collaborateurs/associé que nous imposons chez Squair est d'inciter nos avocats, associés et collaborateurs, à utiliser davantage les outils d'intelligence artificielle mis à leur disposition, en les forçant à sortir de leurs habitudes et à s'approprier cette avancée technologique majeure, qui n'attendra personne.

 

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Cet article a été rédigé par l'équipe de rédaction du Blog Predictice.

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