Me Jean-Eymeric Blanc, avocat spécialisé en droit social, évoque le rôle des nouvelles technologies dans l'évolution de la profession d'avocat.
Vous êtes avocat, spécialisé en droit social. Comment vous est venue cette vocation ?
Enfant, j’étais passionné par la politique. Pour moi le droit du travail est un droit de combat, même si cela est désormais un peu moins vrai depuis les ordonnances Macron.
Lorsque j’ai commencé à plaider, en 2001, c’était juste après les lois Aubry sur les 35 heures. À cette époque-là, lorsqu’on plaidait, c’était par rapport à une certaine idée de la responsabilité de l’individu, sur une certaine conception de la société. Le déséquilibre apparent de la relation de travail, qui lie un employeur considéré comme ayant tous les pouvoirs, et un salarié, qui, lui, n'aurait aucun droit, mérite que l’on s’y attarde. En effet, devant un conseil de prud’hommes, les choses sont plus complexes pour l’employeur. Ce qui m’intéressait, c’était la gymnastique intellectuelle que l’on doit faire pour convaincre une juridiction lorsqu’on défend l’employeur, car le droit du travail est pensé pour les salariés.
De plus le droit social est une matière humaine. La matière première de ce domaine est l’individu, ce qui le rend passionnant.
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Au cours de votre carrière, quelle affaire vous a le plus marqué ?
C'est une question difficile, car nombreuses sont les affaires qui m’ont marqué !
Plus généralement pour moi qui m’occupe d’entreprises, je suis marqué par la détresse du dirigeant d’entreprise qui est contraint de mettre en place un licenciement économique. L’employeur le vit comme un échec personnel. L’activité de conseil en droit du travail ne consiste pas seulement à organiser des procédures et à rédiger des contrats de travail, c’est aussi l’accompagnement humain du dirigeant d’entreprise, notamment pendant des moments de détresse. L’avocat devient alors le coach de l’employeur.
L’aspect humain est fondamental en droit social. Cet aspect ressort particulièrement en cette période de crise sanitaire : les gens sont perdus et les salariés ont besoin que l’employeur soit fort et trace une direction, ce qui est très compliqué par les temps qui courent.
Qu'est-ce que l'arrivée des nouvelles technologies pourrait apporter à la profession d'avocat selon vous ?
J’ai un parcours un peu particulier car j’ai exercé des fonctions de DRH lorsque je préparais le CAPA. J’ai donc appris mon métier en étant dans l’entreprise. Par la suite, j’ai été avocat salarié pendant une dizaine d’années dans des grosses structures, où il existe un a priori favorable à l’égard des nouvelles technologies, alors que ce n’est pas toujours le cas dans les petites structures.
La profession d’avocat est une profession qui a des côtés préhistoriques ; certaines règles de déontologie nous tirent vers le passé, comme celle qui nous interdit de faire une publicité trop voyante, alors que nous sommes devenus des opérateurs économiques comme les autres. C’est regrettable.
L’arrivée des nouvelles technologies permet de faire rentrer de l’air frais dans une profession qui, malheureusement, n’a pas réussi à s’adapter comme d’autres professions. Je pense aux experts-comptables, qui grappillent des parts de marché sans arrêt au détriment des avocats.
Les nouvelles technologies nous incitent à adopter de nouvelles manières de travailler. De plus, de façon paradoxale, ces progrès renforcent le besoin d’une relation humaine profonde. Nous avons en effet à notre disposition plein d’outils de NTIC, mais tout cela n’est rien si on ne crée pas un lien vrai avec son client. Vous ne pouvez pas avoir une relation avec un client uniquement par vidéo conférence. Il faut d’abord apprendre à se connaître et à travailler ensemble, car moi je ne travaille pas pour des clients, mais avec eux. Au préalable de l’utilisation de la visioconférence et des emails, il est important de mettre en place une véritable relation humaine.
On entend parler sans cesse de dématérialisation de la relation humaine, mais sans une relation humaine forte au départ, il n'y a rien à dématérialiser.
Les nouvelles technologies vous font-elles gagner du temps pour vous concentrer sur les relations humaines ?
Je pense en effet que les nouvelles technologies constituent un gain de temps et de confort.
Les visio-audiences vont s’imposer, notamment en raison de la crise sanitaire. Il est probable que la plaidoirie telle que nous la connaissons aujourd’hui va disparaître. Les avocats plaideront par vidéoconférence, ce qui nous obligera à réfléchir à la meilleure façon de valoriser nos interventions.
C’est une bonne chose, car beaucoup d’avocats sont en difficulté, notamment lorsqu’ils pratiquent exclusivement une activité judiciaire : lorsque vous plaidez une demi-heure après avoir attendu trois heures dans une salle des pas perdus, il est difficile d’avoir une activité rentable !
Recommanderiez-vous Predictice à vos confrères spécialisés en droit social ?
Oui, il faut prendre le train en marche !
Grâce à Predictice, je vois immédiatement, pour un chef de demande, les cinq dernières décisions pour et les cinq dernières décisions contre, ce qui fait gagner beaucoup de temps !
Un mot pour la fin ?
Lorsque j’ai créé mon site internet en 2011, j’ai dû demander l’autorisation au Bâtonnier. Il y avait une grande suspicion à l’égard des nouvelles technologies. Je constate aujourd’hui avec plaisir que les choses ont changé. Maintenant l’ordre incite les avocats à avoir leur site internet et à s’approprier les technologies de l’information.
L’outil Predictice a un bel avenir devant lui !
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Docteure en droit et diplômée de l'Essec, Eloïse est rédactrice en chef du Blog Predictice.