La directive de l’Union européenne Omnibus continue l’adaptation des dispositions protectrices du consommateur aux nouvelles pratiques des professionnels, notamment sur Internet.
Après les directives 2019/770/UE et 2019/771/UE, la directive 2019/2161/UE du 27 novembre 2019, dite « directive Omnibus », s’inscrit dans le cadre de la profonde réforme du droit de la consommation à l’échelle de l’Union européenne.
Cette directive vient ainsi modifier pas moins de quatre directives précédentes, soit la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives, la directive 98/6/CE sur l’indication des prix, la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales et la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs.
Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021 dont les dispositions sont entrées en vigueur le 28 mai 2022.
La directive Omnibus modifie le droit de la consommation en poursuivant trois grands objectifs : moderniser le droit de la consommation pour l’adapter aux outils numériques, renforcer l’exigence de transparence en étendant l’obligation d’information et interdire de nouveaux comportements, tout en harmonisant les sanctions pour améliorer leur effectivité.
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Adaptation du droit aux outils numériques
La directive Omnibus, dans la lignée de la directive 2019/770/UE sur les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, prend acte de l’émergence de nouveaux outils numériques et de la nécessité d’encadrer leurs pratiques.
Toutefois, il convient de rappeler que la directive Omnibus ne vise pas exclusivement les acteurs du numérique, ses dispositions s’imposant à tout professionnel du commerce qui vend à un public de consommateurs.
Application étendue du droit de la consommation
Le droit de la consommation se trouve enrichi de treize nouvelles définitions, lesquelles visent à la fois les nouveaux biens et services disponibles et les nouveaux professionnels du marché du numérique et d’Internet.
Certaines définitions, telles que celles de « compatibilité », d'« interopérabilité » et de « durabilité », annoncent également une nouvelle série de réformes du droit de la consommation centrées sur le développement durable et la libre concurrence.
La directive Omnibus étend également le champ d’application du droit de la consommation aux contrats portant sur la fourniture d’un contenu numérique sans support matériel et aux contrats portant sur la fourniture de services numériques.
En outre, le droit de la consommation est adapté aux services numériques en apparence « gratuits » pour le consommateur, étant donné que les données personnelles sont désormais reconnues comme monnaie d’échange pour les plateformes. Ainsi, les dispositions du droit de la consommation s’appliquent désormais également aux contrats de fourniture d’un contenu numérique sans support matériel et de fourniture de services numériques pour lesquels le consommateur fournit ou s’engage à fournir au professionnel des données à caractère personnel.
Une exception est cependant prévue lorsque les données personnelles sont exclusivement traitées par le professionnel pour la fourniture du contenu ou du service ou pour permettre au professionnel de remplir ses obligations légales.
Néanmoins, la directive Omnibus prend également en compte certaines difficultés que pouvaient engendrer les règles strictes du droit de la consommation. Ainsi, l’obligation de recueillir la demande expresse du consommateur pour que l’exécution de la prestation commence avant la fin du délai de rétractation n’est maintenue que pour les contrats par lesquels le consommateur est tenu à une obligation de payer.
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Le consommateur créateur de contenu
Enfin, la directive Omnibus prévoit les conséquences particulières en cas d’exercice du droit de rétractation concernant le sort du contenu créé ou fourni par le consommateur, autre que les données personnelles.
Sauf exceptions limitativement prévues, le professionnel doit désormais s’abstenir d’utiliser tout contenu (autre que les données personnelles) créé ou fourni par le consommateur lors de l’utilisation du contenu numérique ou du service numérique.
Si le consommateur en fait la demande, le professionnel doit mettre à sa disposition ce contenu. Le consommateur dispose désormais du droit de récupérer ce contenu numérique sans frais, sans que le professionnel y fasse obstacle, dans un délai raisonnable et dans un format couramment utilisé et compatible avec une lecture par machine.
Réciproquement, il est prévu que, si le consommateur exerce son droit de rétractation, il perd alors le droit de consulter ou utiliser le contenu ou le service numérique objet du contrat.
Quant au sort des données personnelles, il est déjà régi par les dispositions du RGPD qui prévoient notamment un droit à l’effacement et un droit d’opposition pour la personne dont les données personnelles ont été collectées.
Obligation de transparence étendue
Dans un souci de transparence et, là encore, d’adaptation aux nouvelles pratiques développées autour des outils numériques, la directive Omnibus vient étendre et encadrer l’obligation de transparence pesant sur le professionnel.
Information du consommateur
La directive Omnibus allonge la liste des informations réputées substantielles que doit fournir tout professionnel au consommateur concernant le bien ou le service qu’il met à disposition.
La directive prévoit ainsi que, lorsqu’un professionnel donne accès à des avis de consommateurs sur des produits, sont substantielles les informations permettant d’établir si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit.
En outre, la directive étend l’obligation d’information précontractuelle dans les contrats conclus à distance et hors établissement aux contrats portant sur la fourniture d’un contenu numérique ou d’un service numérique.
Dans ces contrats, le professionnel est désormais tenu de communiquer au consommateur les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités, à la compatibilité et à l’interopérabilité du contenu numérique, du service numérique ou du bien comportant des éléments numériques et, le cas échéant, à l’existence de toute restriction d’installation de logiciel.
S’il y a lieu, le professionnel doit également indiquer au consommateur l’information selon laquelle un prix personnalisé est appliqué sur la base d’une prise de décision automatisée.
Exigences supplémentaires pour les places de marché en ligne
Certaines dispositions de la directive visent directement les places de marché en ligne et tendent à accroître la transparence sur ces plateformes en consacrant des exigences spécifiques supplémentaires.
Ainsi, la directive considère comme substantielles les informations suivantes :
- la qualité de professionnel ou non du vendeur qui propose des produits sur une place de marché, telle qu’elle a été déclarée à l’opérateur de la place de marché en ligne,
- les informations concernant les principaux paramètres déterminant le classement des produits qui sont présentés au consommateur et leur ordre d’importance, lorsque le consommateur peut rechercher des produits offerts par différents professionnels ou par des particuliers à partir d’une requête consistant en un mot-clé, une phrase ou la saisie d’autres données.
De plus, dans le cadre de son obligation d’information précontractuelle, l’opérateur d’une place de marché en ligne devra fournir, en sus des informations légales déjà prévues, les informations suivantes :
- lorsque le tiers proposant les biens, les services ou les contenus numériques n’est pas un professionnel, le fait que les droits des consommateurs provenant du droit de l’UE en matière de protection des consommateurs ne s’appliquent pas au contrat,
- s’il y a lieu, le mode de répartition des obligations liées au contrat entre le tiers proposant les biens, les services ou les contenus numériques et l’opérateur, cette information étant sans préjudice de la responsabilité que l’opérateur ou le professionnel tiers peut avoir en lien avec le contrat en vertu du droit de l’UE ou du droit national.
Enfin, la directive Omnibus laisse la possibilité aux États d’imposer aux opérateurs de places de marché en ligne des exigences supplémentaires en matière d’information. Toutefois, la France n’a pas usé de cette possibilité pour l’instant.
Annonces de réduction des prix
La directive Omnibus encadre les annonces de réduction des prix.
Désormais, tout professionnel qui souhaite mettre en avant une réduction de prix doit indiquer le prix antérieur qu’il a appliqué pour le même produit ou service pendant une durée déterminée avant l’application de la réduction.
En outre, la directive vient définir ce prix antérieur, ou prix de référence. Le prix de référence doit ainsi s’entendre du prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d’une période qui n’est pas inférieure à 30 jours avant l’application de la réduction de prix.
L’objectif est de lutter contre les annonces de réduction de prix fausses ou trompeuses.
La directive a laissé à la discrétion des États la possibilité de prévoir des règles différentes pour les biens susceptibles de se détériorer ou d’expirer rapidement, de prévoir une période plus courte pour définir le prix de référence lorsque le produit est commercialisé depuis moins de 30 jours, ou encore de prévoir que, lorsque la réduction de prix est progressivement augmentée, le prix antérieur désigne alors le prix sans réduction avant la première application de la réduction de prix.
La France a opté pour la dernière possibilité et a également fait le choix de ne pas imposer les règles d’annonce de réduction de prix aux annonces portant sur des produits périssables menacés d’une altération rapide.
Néanmoins, il n’est toujours pas possible en France de pratiquer des réductions de prix sur des produits qui ont été offerts à la vente moins de 30 jours.
Afin d’assurer une interprétation uniforme de la directive sur ce sujet, la Commission européenne a publié des orientations à destination des consommateurs, des professionnels et des professionnels du droit (Communication de la Commission, Orientations concernant l’interprétation et l’application de l’article 6 bis de la directive 98/6/CE, 2021/C 526/02).
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Effectivité du droit renforcée
Afin d’améliorer l’effectivité du droit de la consommation et renforcer son caractère dissuasif à l’égard des professionnels, la directive Omnibus prévoit de nouveaux comportements qui doivent être interdits et harmonise les sanctions à l’échelle de l’Union européenne.
Nouveaux comportements interdits
La directive Omnibus vient encadrer et réprimer de nouvelles pratiques qui se sont développées avec l’avènement du numérique.
Ainsi, la directive élargit le champ des pratiques commerciales réputées trompeuses.
Commet ainsi désormais une pratique commerciale trompeuse le professionnel qui :
- ne respecte pas les nouvelles obligations portant sur les annonces de réduction des prix,
- présente un bien comme étant identique à un bien commercialisé dans un ou plusieurs autres États membres alors que le bien a une composition ou des caractéristiques différentes.
Sont également réputées trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet :
- de fournir des résultats de recherche en réponse à une requête réalisée en ligne par un consommateur sans l’informer clairement de tout paiement effectué spécifiquement par un tiers pour obtenir un meilleur classement de l’un ou de plusieurs des produits apparaissant dans les résultats de recherche ou pour qu’un ou plusieurs produits y apparaissent,
- de revendre des billets pour des manifestations à des consommateurs lorsque le professionnel les a acquis en utilisant un moyen automatisé lui permettant de contourner toute limite imposée au nombre de billets qu’une personne peut acheter ou toute interdiction applicable à l’achat de billets,
- d’affirmer que des avis sur un produit sont diffusés par des consommateurs qui ont effectivement utilisé ou acheté le produit sans avoir pris les mesures nécessaires pour le vérifier,
- de diffuser ou faire diffuser par une autre personne des faux avis ou de fausses recommandations de consommateurs ou modifier des avis de consommateurs ou des recommandations afin de promouvoir des produits.
La directive Omnibus a également averti les États sur la nécessité d’encadrer certaines pratiques des professionnels, dans le cadre de visites non sollicitées au domicile des consommateurs ou dans le cadre d'excursions, soit du démarchage. Néanmoins, la directive a laissé toute discrétion aux Etats à ce sujet sans imposer une quelconque mesure.
Si la France n’a pas fait le choix de transposer les dispositions facultatives tendant à allonger le délai de rétractation à 30 jours pour les contrats conclus à la suite d’un démarchage ou à déroger aux exceptions du droit de rétractation dans ce cas, une nouvelle infraction pénale a toutefois été créée.
Est désormais passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 150.000 euros le fait pour un professionnel d’effectuer une visite non sollicitée au domicile d’un consommateur en vue de vendre des produits ou de fournir des services lorsque le consommateur a manifesté de manière claire et non ambiguë ne pas vouloir faire l’objet d’une telle visite.
En outre, le contrat conclu hors établissement encourt la nullité si, en violation des dispositions légales, le professionnel reçoit un quelconque paiement ou contrepartie de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de 7 jours à compter de la conclusion du contrat.
Harmonisation des sanctions
Enfin, la directive Omnibus a harmonisé les sanctions au sein de l’Union européenne, notamment lorsque la sanction est prononcée à la suite d’une demande d’assistance mutuelle portant sur une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l’échelle de l’Union européenne, en application du règlement (UE) 2017/2394 du 12 décembre 2017.
Les plafonds des amendes administratives encourues ont été augmentés et les cas dans lesquels le professionnel encourt une amende civile ont été élargis.
De façon générale, les États ont été incités à mettre en place des sanctions efficaces et proportionnées pour dissuader et sanctionner les infractions, mais également à proposer davantage de recours individuels proportionnés et effectifs aux consommateurs victimes de pratiques commerciales déloyales.
En droit français :
- le plafond de l’amende administrative en cas de manquement du professionnel à son obligation d’information précontractuelle, en cas de présence d’une ou plusieurs clauses abusives dans ses contrats avec les consommateurs ou en cas d’absence de fourniture par le professionnel de la confirmation du contrat conclu passe de 3.000 euros à 15.000 euros pour les personnes physiques et de 15.000 euros à 75.000 euros pour les personnes morales.
- dans le cas d’une demande d’assistance mutuelle portant sur une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l’échelle de l’Union européenne, l’amende encourue par le professionnel qui n’a pas remis au consommateur un exemplaire du contrat ou le formulaire de rétractation ou qui a remis un contrat ou un formulaire non-conformes peut être portée à 4 % du chiffre d’affaires moyen annuel du professionnel (calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus).
- également dans le cas d’une demande d’assistance mutuelle portant sur une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l’échelle de l’Union européenne, une amende civile peut être prononcée à l’encontre du professionnel qui a recours, de manière continue, à une pratique commerciale reconnue déloyale autre que trompeuse ou agressive par une décision de justice devenue définitive à son égard, par une décision ou un avis du Conseil d’Etat ou par un arrêt ou un avis de la Cour de cassation. Le montant maximal de l’amende est de 300.000 euros, mais peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés des pratiques en cause, à 4% du chiffre d’affaires moyen annuel (calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus) ou, à défaut d’information disponible sur le chiffre d’affaires, à 2 millions d’euros maximum.
- une amende civile est également encourue par le professionnel qui, dans les contrats proposés ou conclus avec des consommateurs ou des non-professionnels, continue de recourir, dans des contrats identiques, à des clauses contractuelles qui ont été jugées abusives par une décision de justice devenue définitive à son égard. L’amende encourue ne peut excéder 15.000 euros pour une personne physique et 75.000 euros pour une personne morale. Cependant, dans le cas d’une demande d’assistance mutuelle portant sur une infraction de grande ampleur ou de grande ampleur à l’échelle de l’Union européenne, l’amende peut être portée, de manière proportionnée aux avantages tirés des pratiques en cause, à 4% du chiffre d’affaires moyen annuel (calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires connus) ou, à défaut d’information disponible sur le chiffre d’affaires, à 2 millions d’euros maximum.
Il faut enfin noter que le prononcé d’une amende civile peut être sollicité par la DGCCRF, par les associations de défense des consommateurs, par le ministère public ou encore par le consommateur lui-même.
Cet article a été rédigé par Thomas Boudier, avocat et Suzanne Gignoux, juriste du cabinet BOUDIER AVOCAT.
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