Alors que l’année universitaire touche à sa fin, il nous a semblé important de faire un bilan de la première année du Programme Predictice pour l’Enseignement et la recherche - le PPER dans notre jargon !
Une grande hétérogénéité des lieux d’enseignement partenaires
L’objectif de ce programme est de permettre aux universités d’accéder facilement aux meilleurs outils, mais aussi d’encourager la réflexion sur les usages et les enjeux des nouvelles technologies dans le monde du droit.
Le PPER est entièrement gratuit pour le lieu d’enseignement, et donne un accès illimité à Predictice pour les étudiants ayant suivi la formation, mais aussi pour tous les enseignants-chercheurs impliqués dans le projet.
Dans le cadre de cette première édition, le nombre de place a volontairement été limité à dix, afin de garantir de bonnes conditions pédagogiques et une attention des équipes de Predictice lorsque cela était nécessaire. Sur l’année universitaire 2017–2018, ce sont donc trois universités, trois écoles d’avocats, un institut de sciences politiques, mais aussi deux écoles de commerce avec des doubles cursus droit-économie et un institut de formation indépendant qui se sont lancés dans l’aventure.
Pour rappel, les conditions pour pouvoir intégrer le programme sont simples :
- porter un projet pédagogique autour de la justice prédictive (livre blanc, atelier, programme autour de l’innovation…) ;
- organiser une formation du groupe d’étudiants (niveau M1 ou M2) concerné par le projet ;
- désigner un porteur de projet au sein des enseignants-chercheurs, en charge de la coordination du projet.
Des projets pédagogiques incroyablement riches
Toute l’équipe de Predictice a été marquée par la remarquable implication des dix partenaires et des enseignants, dans des projets souvent ambitieux. Voici quelques exemples.
A Sciences Po Paris, premier établissement à avoir intégré le dispositif, le projet pédagogique a été l’élaboration d’un livre blanc sur les enjeux éthiques que génère le développement et le déploiement de logiciels d’analyse statistique des décisions de justice. Sous la direction du Professeur Christophe Jamin, et grâce à l’encadrement de Joachim-Nicolas Herrera, trois étudiants ont travaillé pendant un semestre pour fournir un livrable d’une excellente qualité. La première version de ce travail a été présenté devant le Comité éthique et Scientifique de la Justice Prédictive à la fin du mois de mai, pour une relecture critique. Accompagné d’une série de recommandations, il fera vraisemblablement l’objet d’une publication en septembre 2018.
Tommaso Bianco et le groupe d'étudiants de l’école des Hautes Études
Appliquées du Droit (HEAD)
Avec l’école des Hautes Études Appliquées du Droit (HEAD), un groupe d’étudiants a pu découvrir le fonctionnement du machine learning. La matinée, organisée dans les locaux de Predictice, a notamment été l’occasion de se familiariser avec des outils d’annotation qui permettent aux équipes techniques de traiter automatiquement le langage naturel, et de rencontrer le CTO de Predictice, docteur en machine learning, Tommaso Bianco. Définitivement à refaire !
Le projet mené avec l’ERAGE, l’école des avocats du grand ouest, s’est inscrit dans le cadre de l’École de l’Innovation, initiative portée par la volonté de sa directrice, Enke Kebede.
Confrontés à plusieurs situations réelles, les étudiants ont réalisé une vidéo à but pédagogique, qui illustre en quoi la technologie de justice prédictive peut aider au quotidien, que ce soit pour chercher de l’information, négocier, ou plaider. La vidéo est visible sur Vimeo. Bravo à eux !
L’Université Paris-Dauphine, bien connue pour ses compétences croisées entre le droit et les mathématiques a lancé un beau projet, sous l’impulsion de Morgan Sweeney, dont le but est de vérifier l’existence du supposé « effet performatif » qui accompagnerait le déploiement des outils de justice prédictive. A travers une série de procès fictifs, joué au sein de l’université d’abord, puis, on l’espère, au sein de l’ENM, l’objectif est de vérifier si les groupes utilisant l’outil ont une tendance à l’homogénéité plus marquée que l’autre. Affaire à suivre.
La place manque pour les décrire, mais des projets très réussis ont également été montés avec les Universités de Nîmes, de Strasbourg et d’autres EDA dans le but de s’entraîner à plaider avec des chiffres, mesurer la fiabilité des algorithmes, ou encore créer une legaltech.
Bref, que des belles rencontres, partout sur le territoire, avec des étudiants décidés à construire leur futur de façon éclairé. Le grand succès rencontré par le PPER a incité à sa reconduction, dans une formule légèrement modifiée.
Et pour l’année 2018–2019
Nous avons reçu près de trente demandes de partenariat pour l’année universitaire 2018–2019, dont certaines sont encore à l’étude. Face à ce flux, nous avons évidemment dû faire des choix. Voici les critères qui nous ont guidés :
Internationalisation
Deux pays ont pris de l’avance sur l’analyse statistique des décisions de justice — la France et les États-Unis — mais les technologies utilisées peuvent en théorie fonctionner partout. Quels sont les critères et les prérequis pour envisager le déploiement de la justice prédictive dans d’autres systèmes juridiques ? Voilà clairement un défi passionnant, qui mérite une étude sérieuse dans plusieurs pays, notamment en Europe.
Diversification thématique et géographique
Intégrer des écoles de commerce, des compétences économiques, statistiques ou techniques aux premières réflexions des juristes pour ouvrir le champ d’investigation est devenu indispensable. Peut-on estimer la valeur du nouveau marché du legal analytics ? Les magistrats surcompensent-ils les inégalités territoriales ? Les avocats sont-ils les premiers gagnants de la révolution en cours ? Quelles procédures faut-il mettre en place pour éviter les algorithmes de ré-identification dynamique ? De très nombreuses questions, qui constituent autant de potentiels projets de mémoires ou de thèses…
Digitalisation
Participer à un projet de MOOC nous tenait à cœur depuis longtemps. Mais, en même temps, quoi de plus normal pour une legaltech ? Lancement dans quelques mois, grâce à la vitalité de la plus grande des écoles de formation d’avocats de France !
Labellisation
La justice prédictive s’impose progressivement comme une matière, elle méritait donc un cursus universitaire dédié. Nous espérons qu’il verra le jour très prochainement.
Yuval Noah Harari, dans Sapiens, explique que:
Pendant la majeure partie de l’histoire, les mathématiques ont été un domaine ésotérique que même les gens instruits étudiaient rarement (…). Personne n’étudiait les statistiques. La théologie était la reine incontestée de toutes les sciences.
Les sujets d’étude apparaissent et disparaissent, et quel bonheur d’en voir apparaître de nouveaux !
Toute l’équipe de Predictice souhaite d’excellentes vacances à ses nouveaux partenaires, en attendant une rentée qui promet d’être palpitante.
Sur la photo : Présentation de Predictice aux étudiants de l’Université Sophia-Antipolis à Nice dans le cadre du programme DL4T.
Pour en savoir plus sur les engagements éthiques de Predictice, cliquez ici : https://blog.predictice.com/les-engagements-ethiques-de-predictice.
Co-fondateur de Predictice, avocat de formation, Louis enseigne dans plusieurs universités.