Compte-rendu du colloque intitulé « La justice prédictive-risques et avenir d’une justice virtuelle », organisé par Le Mans Université et le Barreau de Laval avec le soutien de la Cour d’appel d’Angers.
Plusieurs centaines d’avocats, magistrats, journalistes ou encore étudiants et autres curieux de la justice prédictive étaient présents pour assister à ces débats sur ce thème très actuel.
La conférence, repartie en trois thèmes, a débuté par une série d’interventions sous le chapeau de « La conception et l’utilisation des outils de justice prédictive », avec l’intervention d’un représentant de Predictice.
Ce sont ensuite des utilisateurs de cet outil, Monsieur Emmanuel Kestenare de Covéa et Madame Béatrice Bruguès-Reix, avocate au sein du cabinet Dentons, qui ont pris la parole à propos de leur utilisation de Predictice et pour en tirer des principes plus généraux.
Ces interventions ont été suivies d’une table ronde sur « Les risques de la justice prédictive ».
En particulier, Tristan Allard, Maître de conférences en informatique auprès de l’Université de Rennes, et Madame Céline Béguin ont abordé la question de l’anonymisation des données d’ordre personnel - allant jusqu’à dire que l’anonymisation est souvent faillible et réversible. Ces interventions ont eu un intérêt tout particulier eu égard aux articles 20 et 21 de la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016. Ces articles disposent en effet que les décisions rendues par les juridictions judiciaires et les jugements rendus par les juridictions administratives seront mis à disposition du public dans le cadre de l’open data mais « dans le respect de la vie privée des personnes concernées ». Ceci implique l’anonymisation des données personnelles.
Enfin, le thème ultime, abordé tout au long de l’après-midi était « L’avenir envisagé autour de la justice prédictive ».
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Il a notamment été question des problèmes d’égalité entre praticiens survenant à cause de la justice prédictive. Plusieurs intervenants se sont en effet demandé si l’existence d’outils de justice prédictive auxquels l’accès est payant ne créait pas un déséquilibre entre praticiens disposant de moyens variables. Cependant cette question n’est guère posée lorsqu’il s’agit des importants déséquilibres crées par les coûts des outils de recherche juridiques ou des dépenses marketing.
D’autres inquiétudes, relatives notamment à l’effet de la justice prédictive sur l’office du juge ou encore sur les risques qu’elle porte atteinte aux principes fondamentaux du procès civil, ont également été soulevés.
Cependant, les discussions sont restées constructives et et positives. Sur un ton plus léger, Bernard Lamon, avocat auprès du barreau de Rennes et co-rapporteur de la mission Haeri sur l’avenir de la profession d’avocat a d’ailleurs fait part de la « journée type de l’avocat en 2035 », sur fond de références cinématographiques et littéraires multiples.
Enfin, l’intervention de Sabrina Robert-Cuendet, Professeur de Droit, relative à la formation et à la recherche dans le domaine du droit face aux évolutions relatives au numérique, a permis de rappeler que l’un des enjeux primordiaux des évolutions actuelles du Droit est la formation, non pas seulement des actuels étudiants et futurs « professionnels du Droit » et même des actuels « professionnels du droit », mais aussi celle des enseignants et autres académiques du droit.
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La journée s’est conclue par l’annonce officielle de la création au sein de la Faculté de Droit d’un parcours de licence intitulé Droit, éthique et numérique, une première au niveau national. Les actes du colloque seront par ailleurs publiés à l’automne 2018 dans les Archives de la philosophie du droit, affaire à suivre !
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Co-fondateur de Predictice, avocat de formation, Louis enseigne dans plusieurs universités.