Entretien avec Grégoire Loustalet, docteur en droit et membre de l’Association Française des Docteurs en Droit, qui analyse la notion de startup.
A l’occasion du partenariat entre Predictice et l’AFDD, nous vous proposons une série consacrée aux contributions des docteurs en droit co-rédacteurs de l’ouvrage “Droit en mutation II” (4/8).
Pourquoi avez-vous choisi de traiter ce sujet ?
On entend parler de startup à longueur de journée, sans se poser la question de savoir ce que cette notion recouvre. C’est le mot « à la mode ». Tout le monde veut « monter sa startup », notre président de la République veut faire de la France une startup nation, de nombreux Business Angels et Venture captialists investissent dans ces pépites.
Beaucoup d’entrepreneurs viennent me voir en disant qu’ils veulent créer une startup. Pour autant, si leur projet est passionnant et innovant, je me pose à chaque fois la question de savoir à quel type d’entreprise j’ai à faire. En effet, on n’utilise pas les mêmes outils juridiques dans les différents cas et ce qui est bon pour l’une ne l’est pas pour l’autre. Il me semble primordial pour bien conseiller mes clients de savoir ce qui leur convient le mieux.
Par exemple, la société par actions simplifiée (SAS) est particulièrement bien adaptée aux entreprises qui ont vocation à lever des fonds et à avoir un recrutement important. Elle offre, en effet, la possibilité de recourir à un grand nombre d’outils financiers et de gouvernance qui permet d’assurer les investissements et la gestion des relations entre les fondateurs et les investisseurs.
Au contraire, la société à responsabilité limitée SARL sera particulièrement bien adaptée à une entreprise de conseil ou ayant une activité commerciale dont l’activité dépendra surtout du travail des associés. Elle offre une simplicité de fonctionnement pour les associés généralement gérants qui ont des pouvoirs de gestion étendue sur la société. C’est une forme sociale éprouvée qui permet un bon fonctionnement en toute circonstance. Or, ce qui est recommandé dans un cas ne le sera pas dans l’autre, et savoir à quel type d’entreprise on a à faire, permet de mieux conseiller et accompagner les entrepreneurs dans le lancement de leurs projets.
L’article sur l’essai d’une définition de la startup est donc apparu comme une évidence.
Nous devons être suffisamment au clair avec cette notion pour pouvoir mieux appréhender les entrepreneurs dans leur quotidien pour comprendre leurs problématiques et donc trouver des solutions adaptées et efficientes à leurs situations quitte à sortir des sentiers battus.
Quelles sont les origines de l’expression start-up ?
Le mot startup vient des États-Unis et a été créé dans les années 1930. Il était utilisé par les financiers pour parler d’entreprises qui avaient un fort besoin de financement dès leur création. C’était notamment le cas de HP ou encore IBM, qui pour nous, aujourd’hui, sont de vieilles entreprises informatiques.
Ce n’est en revanche qu’à partir des années 1970–1980 que le mot s’est démocratisé avant d’arriver en France à la fin des 1990 avec la bulle internet. Aujourd’hui le mot startup sort largement de ce cadre purement financier pour intégrer différents aspects de l’entreprise et est devenu le fer de lance des changements radicaux du monde des affaires.
Pouvez-vous nous parler du scale up ?
Vaste question ! Ce sujet mériterait un article à lui seul. Pour comprendre le mot scale up, il faut bien comprendre que le mot startup renvoie au stade de démarrage d’une entreprise particulière. Toute entreprise qui se développe en mode startup n’a pas vocation à rester une startup toute sa vie.Bien qu’on parle de Facebook ou de Google comme des startups, cela fait bien longtemps qu’elles n’en sont plus.
Une startup est une entreprise qui va créer un produit nouveau dont on ne sait pas encore si le marché va l’adopter ou non.
Ce développement présente à la fois un fort potentiel, mais aussi un très haut degré d’incertitude. Les risques sont énormes et 80 % des startups ne passent pas le cap des 5 ans.
On dit que les startups sont à la recherche de leur « product-market fit ». Une startup qui a réussi est une startup qui a trouvé un produit nouveau qui plait à son marché. Une fois qu’elle a franchi cette étape, elle entre dans le stade du passage à l’échelle et devient une scale up. Son objectif à ce moment-là est la production de très gros volumes très rapidement, c’est-à-dire la fourniture de ses produits ou services au plus grand nombre, et ce n’est pas une mince affaire !
Ce type d’entreprise est capable dès le départ de fournir des services à un très gros volume de client sans avoir de coût supplémentaire (ou avec un coût supplémentaire très faible). La problématique de la scale up est donc pour partie la réunion de moyens permettant d’assurer ce volume de production de manière fiable, mais surtout d’atteindre un gros volume de clients. Leur problématique est peut-être plus une question de commercialisation que de production.
Les startup, de par leur modèle et leurs méthodes, sont-elles à l’origine de bouleversements majeurs dans le monde entrepreneurial dans son ensemble ?
Assurément oui ! Cependant, je ne crois pas qu’elles soient les seules. Je crois que les bouleversements majeurs viennent de gens qui ont su se remettre en question et remettre en question l’ordre établi pour trouver de nouvelles solutions.
Ce qui est sûr, c’est qu’on rencontre une grande concentration de ses personnes dans les startups, ce qui leur donne une plus grande visibilité.
Il est évident que les startups ont donné un nouveau souffle dans la réflexion sur le fonctionnement de l’entreprise et l’organisation du travail.
En fait, je crois que tout dépend de la vision qu’ont les entrepreneurs de leur entreprise et de l’objet de l’innovation qu’ils souhaitent apporter.
Vous avez tout un courant de pensée très intéressant autour de l’entreprise libérée. Le développement de l’intrapreneuriat ne doit pas non plus être négligé. Ces deux courants visent à repenser les modes de production ainsi que l’organisation du travail pour libérer les forces productrices de l’entreprise.
Ces évolutions sont passionnantes et, à mon sens, montrent à quel point le monde de l’entreprise est en profonde mutation et ce, à quelque niveau que ce soit.
Ma compagne, qui travaille en ressources humaines dans un grand groupe de réseau logistique, s’est spécialisée sur toutes ces questions d’efficience de l’organisation du travail, notamment dans ses travaux de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (i.e. « trategic workforce planning ») afin d’assurer une adéquation plus efficiente entre les besoins nécessités par les projets et les forces vives de l’entreprise. Son expérience me montre quotidiennement à quel point c’est un enjeu majeur pour toutes les entreprises et ce, quelle que soit leur taille. Ce sont des questions qu’on trouve en germe dans les startups qui prennent toute leur ampleur dans les scale up, les grosses PME et les grandes entreprises.
J’ai tendance à croire que même si les startups portent en elles ce renouveau, tout cela fait partie de l’évolution (révolution ?) de l’esprit d’entreprise.
Pour lire d'autres interviews d'auteurs de l'ouvrage Droits en mutation II, cliquez ici : https://blog.predictice.com/droits-en-mutation-ii-docteurs-en-droit.
Diplômée en droit, Julia est en charge de la formation et de l'accompagnement des utilisateurs de Predictice.