Le président Macron vient d'annoncer son intention d'inscrire la défense de l'environnement dans la Constitution. L'occasion de redécouvrir l'interview de Fanny Giansetto sur la CCC.
À l’origine, quand Emmanuel Macron a proposé la Convention citoyenne, j’étais vraiment sceptique. Cela me semblait une mesure populiste, au regard du fait que les solutions sont connues depuis longtemps et que les experts qui ont travaillé dessus les ont déjà mises en avant. Il me semblait donc quelque peu absurde de demander à des citoyens qui ne s’y connaissent pas réellement de faire de nouvelles propositions. De plus, le storytelling qu’il y avait derrière, c’est-à-dire le fait que ce soit des people qui aient proposé cela à Emmanuel Macron, ne me semblait pas convaincant.
Cependant, étant donné le résultat, j’ai changé d’avis. En réalité, demander à des citoyens de faire des propositions, ce n’est pas une mauvaise pratique. En effet, même si les solutions sont connues, ce qui nous manque c’est du courage politique pour les mettre en oeuvre. Et pour qu’il ait du courage politique, il faut qu’il y ait un soutien citoyen. C’est pourquoi demander à des citoyens qui ont eu devant eux un certain nombre d’experts de proposer des solutions, cela permet de les porter en politique plus facilement.
Je ne serais pas aussi optimiste. Je ne suis pas convaincue que la Convention citoyenne pour le climat marquera un tournant pour la sauvegarde de l’écologie, car une de ses mesures symboliques, la modification de la Constitution, va être soumise à référendum, ce qui de fait rend incertaine son adoption.
De plus, si au début on pouvait avoir un regain d’optimisme par rapport au fait que l’initiative avait été relayée médiatiquement, que le Président allait reprendre 146 des 149 propositions (même si on peut noter qu’il avait promis de reprendre l’intégralité des propositions sans filtre et qu’il en a quand même exclu trois d’entre elles), le projet de loi de finance a été voté à l’Assemblée nationale le 9 juillet dernier. Or, c’était un moment où les mesures de la Convention citoyenne pour le climat auraient pu être reprises, et cela n’a pas été le cas. On aurait pu notamment y voir des mesures relatives à la fin des subventions de l’industrie fossile, ou l’obligation pour les entreprises bénéficiaires d’aides publiques de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, de même toutes les mesures liées à l’alimentation, etc. Or, rien n’a été repris.
J’espère que cela marquera bien un tournant pour la sauvegarde de l’écologie, mais encore faudrait-il que ces mesures soient adoptées par l’Assemblée nationale, telles que les citoyens les ont proposées, et que la modification de la Constitution soit actée, ce qui est encore incertain.
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Je crois fermement aux outils juridiques pour accélérer et porter la transition écologique de manière générale, et c’est la raison pour laquelle j’avais rejoint l’association Notre Affaire à Tous en 2017. Cette association a porté l’Affaire du Siècle, c’est-à-dire l’action en justice contre l’État français pour inaction climatique. Au moment où la requête a été déposée devant le tribunal administratif, nous avons lancé en même temps une pétition sur Internet, et c’est la pétition qui, dans l’histoire de la France, a été le plus signée.
En ce qui concerne l’écocide, la proposition de pénaliser les dégâts les plus graves sur la nature est intéressante. En effet, on voit aujourd’hui que le droit souple a échoué. Il a montré son incapacité à assurer la protection des humains et de la nature de manière générale. Passer à un droit dur semble donc pertinent.
Cependant, il s’agit d’une mesure qui reste difficile à appliquer pour deux raisons : il faut une atteinte volontaire, et la question de la démonstration de la volonté sera particulièrement difficile ; les limites planétaires sont évoquées, et il faudra déterminer un seuil pour ces limites, ce qui sera également très difficile.
Certaines personnes ont commenté cette mesure en disant que le fait que la mesure était difficile à mettre en oeuvre la disqualifiait. Cela, je n’y crois pas. Ce n’est pas parce qu’une mesure est difficile à mettre en oeuvre qu’il faut la disqualifier intégralement.
Il demeure qu’aujourd’hui, l’avenir de la mesure est incertain. Emmanuel Macron a dit qu’il la soutenait mais qu’elle n’était pas applicable en l’état. Donc à voir.
Nous prônons cette mesure depuis longtemps au sein de l’association Notre Affaire à Tous. C’est important à deux niveaux : au niveau symbolique d’abord, parce que l’argument juridique qui surplombe notre État de droit c’est la Constitution, et aujourd’hui, même si la protection de l’environnement fait partie de la Constitution par le biais de la Charte de l’environnement de 2004, cette charte ne parle absolument pas de biodiversité ni de climat.
Au niveau juridique, ensuite, car la protection du climat et de la biodiversité permet d’orienter de façon plus générale notre système juridique. Cela va permettre au Conseil constitutionnel de sanctionner des lois qui menacent le climat et la biodiversité, ce qui est aujourd’hui très incertain. Cette mesure est donc très importante.
Selon moi, on retrouve cette erreur dans les universités en droit et de façon générale dans les écoles, où la question environnementale est un module à part, spécifique et séparé des autres branches du droit.
Or, je crois fermement que le droit de l’environnement influe sur les autres branches. On ne peut plus penser la question environnementale, la question du climat, la question de la biodiversité comme un sujet à part, séparé des autres. On le voit d’ailleurs avec le nouveau gouvernement : nous avons une ministre de l’écologie qui voit son portefeuille évoluer constamment. Cela parce que ses sujets recoupent ceux des autres ministères. Ainsi, la question de l’alimentation ne peut pas être pensée en dehors de celle du climat et de la biodiversité ; il en va de même pour le logement, pour les infrastructures, l’agriculture, etc.
Je pense en effet que les libertés publiques ne peuvent pas être pensées en dehors de la préservation de l’environnement. Il n’y a pas de balance à faire entre les libertés publiques, comme par exemple la liberté d’entreprendre, d’un côté, avec la préservation de l’environnement de l’autre.
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